Ayoub yaici

Les maladies auto-immunes

Yaϊci Ayoub, Avril 2017

« Hommage au Professeur Si-Saleh Hammoudi, anatomiste et chirurgien Algérien, président du

laboratoire d’anatomie d’Alger qui a toujours veillé à cultiver l’excellence et qui a marqué les esprits et les mémoires de générations de médecins à travers ses qualités de pédagogue, d’enseignant précis et de père attentionné ».

1-Introduction :

L’immunopathologie comprend plusieurs situations : 1- réponse exagérée : les hypersensibilités

    1. système immunitaire défaillant : déficit immunitaire
    2. transformation maligne du système immunitaire : maladie lymphoprolireative
    3. Rupture de l’équilibre entre l’organisme et son système immunitaire : maladies auto-immunes

Les maladies auto-immunes sont des maladies dans lesquelles les lésions observées sont dues à une réaction immunitaire vis-à-vis des constituants du soi.

Ces maladies peuvent être divisées en MAI spécifiques d’organes ou de tissus (thyroïdites auto-immunes, myasthénie et pemphigus) et MAI non spécifiques d’organes encore appelées maladies systémiques.

2-La tolérance du soi :

Etat de non-réponse immunitaire aux antigènes du soi, spécifique pour chaque antigène. C’est un phénomène actif, induit par un contact préalable avec l’antigène. Il implique les LT et, à un moindre degré, les LB.

Tolérance T : elle comprend :

Délétion (centrale, intrathymique) C’est le mécanisme principal, les autres sont complémentaires.

Pendant la maturation des LT, Délétion des clones auto réactifs dont les TCR, peuvent reconnaitre un épitope du soi.

Anergie (centrale ou périphérique) Absence des signaux de costimulation normalement délivrés par les molécules membranaires des CPA.

Le LT n’est pas tué, mais fonctionnellement inactif, anergisé.

Suppression Contrôle des LTs auto-réactifs par des LTs suppresseurs.
Ignorance concerne les épitopes présentés par les cellules sans CMH : les LT peuvent entrer en contact avec eux mais sans reconnaitre le complexe épitope-CMH >> absence de

réaction (Hématies, tissu adipeux).

Certains LT échappent à la délétion thymique :

-soit l’Autoantigène correspondant est non exprimé dans le thymus comme les autoantigènes séquestrés.

-soit l’Epitope est reconnu, mais avec une avidité insuffisante à la délétion du clone. D’où l’importance des mécanismes complémentaires.

Tolérance B :

Défaut de coopération avec les LT en l’absence de LT auto-réactifs fonctionnels, les LB auto-réactifs seront peu activés et ne secrèteront que des aAc dits naturels, IgM, de faible titre, poly-spécifiques et

non pathogènes.

Délétion (dans moelle osseuse) + Anergie L’anergie peut avoir lieu dans la MO ou dans les OLS

3-Physiopathologie des maladies auto-immunes :

  • Une erreur d’élimination dans le thymus des lymphocytes auto-réactifs.
  • Une défaillance des Treg
  • Une erreur de cible par similitude entre le soi et le danger (réaction croisée).
  • Une sur-présentation inappropriée d’auto-antigènes, dans un contexte inflammatoire.
  • Une présentation d’auto-antigènes normalement masqués (séquestrés).
  • Des auto-antigènes modifiés (virus, médicament)
  • Non élimination des complexes immuns ou des corps apoptotiques.

Rôles des Auto-anticorps :

Maladies Rôles des auto-AC
anémie hémolytique

auto-immune

Fixation du complément sur la cellule portant l’antigène cible >> lyse de cette cellule
purpura thrombopénique

idiopathique

Opsonisation de la cellule portant l’autoantigène >> destruction par les macrophages
maladie de Basedow

myasthénie

Modification du signal transmis par un récepteur cellulaire, soit en l’activant (anti-récepteurs

de la TSH > Basedow), soit en l’inhibant (anti-récepteurs de l’acétylcholine > Myasthénie)

lupus érythémateux

systémique

Formation durable de Complexes Immuns Circulants (CIC) >> déposition dans les vaisseaux

>> vascularite dans divers organes.

pemphigus, pemphigoide,

Good pasture

Formation in situ de complexes immuns >> inflammaion >> altération de l’organe cible

Rôle des LTs : Implication de l’immunité cellulaire dans le Diabète Insulino Dependant et la Polyarthrite Rhumatoïde.

4-Epidémiologie des maladies auto-immunes :

La prévalence varie selon les régions, ces maladies prédominent chez la femme par rapport à l’homme (LES 9/1, PAR 7/1). Les MAI sont d’origine multifactorielle. La prédisposition repose sur différents facteurs :

Génétiques :

La présence d’un facteur génétique est obligatoire pour l’apparition d’une MAI.

Phénotype du CMH impliqué dans la PAR, DID, maladie cœliaque (100% des malades sont marqués

dans cette dernière)

Déficits en fractions précoces du

complément (C1q, C1r, C1s, C2 et C4)

Fréquemment retrouvés lors du LES.
Déficit en immunoglobulines A impliqué dans la maladie cœliaque

Environnementaux : (surtout microbiens) :

Infections (Epstein Barr dans la PAR et la sclérose en plaques), Nourriture, géographie, facteurs physiques et chimiques.

Endocriniens : les androgènes protègent par exemple contre les MAI, les œstrogènes les favorisent.

5-Diagnostic des maladies auto-immunes :

Difficile, doit reposer sur plusieurs critères : les critères de l’American college of Rumathology ACR, ces critères peuvent être biologiques, cliniques, radiologiques, immunologiques.

Lupus érythémateux systémique : 11 critères, présence de 4 nécessaire au diagnostic, (mais la présence de 2 critères immunologiques est suffisante pour le diagnostic). PAR : 4 parmi 7.

Le titre des auto-anticorps (aAc) : critère fondamental, doit être supérieur à un seuil variable d’un aAc à un autre, selon

la technique utilisée, le sexe et l’âge.

La présence d’auto-anticorps non pathogènes et à taux faible, est un phénomène normal chez un sujet sain.

* Certains autoanticorps ne sont pas impliqués dans les manifestations pathologiques observées.

6-Exemples de maladies auto-immunes :

Maladies auto-immunes non spécifiques d’organe :

Lupus érythémateux systémique / Polyarthrite rhumatoïde/ Syndrome sec de Gougerot-Sjogren / Sclérodermie

/Dermatopolymyosite / Poly-myosite / Syndrome des anti-phospholipides.

Maladies auto-immunes spécifiques d’organe :

Glandes endocrines Thyroïdites : maladie de Hashimoto et maladie de Basedow Maladie d’Addison

Diabète insulo-dependant Polyendocrinopathies

Tractus gastro-intestinal Maladie de Biermer

Maladie cœliaque

Rein Syndrome de Good Pasture
Muscle et nerfs Myasthénie Polyneuropathies Guillain-Barré

Sclérose en plaques

Œil Uvéite, Ophtalmie sympathique
Peau Pemphigus, pemphigoide bulleuse, pelade, vitiligo
Foie Hépatites auto-immunes, Cirrhose biliaire primitive

1-Le Lupus érythémateux systémique :

MAI non spécifique d’organe, fait intervenir les immuns complexes circulants (anticorps anti-ADN/ADN) qui peuvent se déposer dans différents tissus, dont les reins, et être responsables de lésions.

Physiopathologie : Anomalies de l’apoptose >> persistance des corps apoptotiques exprimant des antigènes nucléaires >> présentation aux lymphocytes de fragments nucléaires non exprimés auparavant (considérés non soi) >> réponse immunitaire >> Formation durable de Complexes Immuns Circulants (CIC) >> déposition dans les vaisseaux >> vascularite dans divers organes.

Clinique :

-succession de poussées et de remissions, fièvre, asthénie, amaigrissement.

-érythème en aile de papillon du visage, d’où le nom de la maladie (lupus pour ≪ masque de loup ≫).

-atteinte hématologique par AC contre les GR et les plaquettes.

-arthromyalgies, oligo ou polyarthrites aigues, le plus souvent bilatérales, symétriques, non déformantes, signes les plus fréquents.

-Glomérulonéphrites et autres manifestations rénales.

-Manifestations neurologiques, cardio-vasculaires (péricardite, endocardite, Raynaud).

Biologie, Immunologie :

1- AC anti antigènes nucléaires : On doit les retrouver à un titre assez important.

Test positif = présence d’AC dirigés contre un ou plusieurs Ag nucléaires que l’on pourra caractériser par d’autres techniques, on peut apprécier le type de fluorescence :

Homogène Présence d’AC anti Histones ou anti ADN nucléaire.
Périphérique AC anti-ADN nucléaire
Moucheté ACs reconnaissant plusieurs nucléoprotéines solubles : Sm, RNP, SSA, SSB.
Nucléolaire ou centromerique Rencontrés au cours de la sclérodermie, non rencontrés au cours du LES

L’AC Sm est un critère pathognomique du LES, mais il est inconstant, ADNn + Sm = représentent un seul critère. 2-AC anti phospholipides.

3-AC anti C1Q du complément, retrouvé chez 100% des patients lupeux, AC très sensible, spécificité faible, car peut être retrouvé dans d’autres pathologies

NB : Les anticorps peuvent être multi-spécifiques.

Traitement :

Par Corticoïdes + immunosuppresseurs.

Plus récemment, traitements plus ciblés par des Anti CD20, Anti TLR.

Suivi :

  1. Clinique
  2. Biologique, par dosage de :

Complément : CH50, C3, C4, Fonction rénale : urée, créatinine, protéinurie des 24h, CBU. AC Antinucléaires (titre, aspect), Anti-ADN natif.

2-La Polyarthrite Rhumatoïde :

MAI non spécifique d’organes, mécanismes lésionnels dus à l’immunité cellulaire, 7 critères nécessaires à sa confirmation.

Clinique :

Rhumatisme inflammatoire chronique le plus fréquent, survenant entre 40 et 60 ans, touche généralement les doigts, poignets et pieds, mais peut atteindre toute articulation. Les arthrites sont symétriques, additives, destructrices, déformantes et d’évolution irréversible.

Manifestations extra-articulaires : cardiaques, pulmonaires, cutanées, hématologiques, vascularitiques, etc.

Biologie :

-facteur rhumatoïde : AC anti fragment Fc des IgG (de type IgA IgM IgG exceptionnellement IgE), n’est retrouvé qu’au stade tardif, fréquent mais peu spécifique, à partir de 60 ans, 15% de la population est + (faux positifs).

-AC anti-peptides citrullinés (Anti CCP), plus rare mais très spécifique, peut être retrouvé à l’état précoce.

-AC anti SSA, peut être retrouvé dans le lupus (donc non spécifique, mais marqueur d’auto-immunité)

-Le bilan positif peut être physiologique mais possède toujours une valeur prédictive, il faut toujours le prendre au sérieux.

Traitement : corticoïdes, anticorps anti-TNFα ou anti-IL1, rééducation.

3-Syndrome de Gougerot-Sjogren (syndrome sec) :

MAI non spécifique d’organes mais atteinte préférentielles des glandes exocrines (lacrymales et salivaires).

Infiltration lymphocytaire T au niveau des organes atteints, principalement T CD4+ avec une réponse immunologique de type Th1.

Il en existe deux formes: la forme primitive isolée et la forme secondaire associée à une autre maladie auto-immune, souvent la PAR (mais aussi LES, Sclérodermie et Thyroïdite de Hashimoto).

Clinique : Xérophtalmie (sècheresse oculaire), xérostomie (sensation de bouche sèche)

Histologie : Infiltrat inflammatoire lympho-plasmocytaire

Biologie : AC anti-nucléaires, anti-SSA ou anti-SSB. (Le B est plus spécifique que le A, mais les deux ne sont pas exclusivement spécifiques à cette pathologie).

Facteurs rhumatoïdes, Cryoglobulinemie, Hypergammaglobulinemie.

Cette maladie se complique de lymphomes dans 10% des cas.

4-La sclérodermie :

Affection généralisée du tissu conjonctif, des artérioles et des micro-vaisseaux conduisant à une fibrose et à une oblitération vasculaire. Atteint la peau et divers autres viscères (pulmonaires, digestifs « Sclérose de l’œsophage »… etc), associée à des altérations endocriniennes.

Biologie : -Antitopoisomerase 1 (anti-Scl 70)

-Présence de Cryoglobuline : Immunoglobuline anormale IgG IgM…etc, forme un précipité à froid, avec redissolution possible à 37 C. Elle n’est pas spécifique des MAI, sa maladie la plus spécifique est l’hépatite C.

5-Le syndrome des anticorps anti-phospholipides (SAPL) :

Les anticorps anti-phospholipides représentent une famille très hétérogène d’aAc qui définissent le syndrome des anti phospholipides qui peut être primaire, ou secondaire à une autre MAI souvent le lupus.

Clinique : Thromboses, Troubles vasculaires, surtout veineux.

Avortements répétés (on explore au-delà de 2 avortements).

Biologie :

AC anti-phospholipides (IgG ou IgM) : anti-cardiolipides (ACL), anticoagulants circulants (ACC) et anti-beta 2 glycoprotéine 1 (Aβ2GP1).

NB : Pr Djenouhat, n’a mentionné que 2 AC : ACL et Aβ2GP1, retrouver un seul des deux suffit pour le diagnostic.

Beaucoup de faux positifs (Dans la syphilis, 90 % des patients peuvent être +) >> au moins 2 examens avec 12 semaines d’intervalle. Les anticorps doivent persister plus de 12 semaines mais pas plus de 5 ans.

6-La maladie cœliaque :

MAI spécifique d’organe, hyper sensibilité de type 4 à un antigène contenu dans le gluten : la prolamine, protéine riche en lysine et en glutamine.

Aliment Prolamines correspondantes
Blé gliadines
Seigle secalines
Orge hordeines

Physiopathologie :

Lamina propria de la muqueuse digestive >> la gliadine forme un complexe avec la transglutaminase (enzyme qui désamine la glutamine) >> augmentation de l’immunogenicite de la gliadine.

Macrophages >> présentent le complexe transglutaminase/gliadine aux LT CD4+ >> Réponse immunitaire (plasmocytes a IgA des muqueuses) >> AC anti-gliadine + anti-transglutaminase >> Activation du complément >> cytotoxicité >> Lesions digestives. Il y a aussi Implication de L’immunité cellulaire : LT >> IFN gamma.

Clinique :

Chez l’enfant : forme classique, bilan digestif, anémie, diarrhée chronique, stéatorrhée, malabsorption, retard staturopondéral.

Chez l’adulte : bilan d’infertilité, pas de retard SP, plus de 25% des patients adultes sont obèses.

Histologie : la biopsie jéjunale est l’examen le plus sûr : atrophie véllositaire.

Biologie :

Les Ig retrouvés peuvent être de type A ou G >> dosage, 93 % des patients possèdent des AC anti transglutaminase tissulaires.

Attention ! :

1-Ici c’est les IgA anti TGT qui sont recherchées en premier lieu, contrairement aux autres MAI où il faut rechercher des IgG, 2-Les IgA sont ici très spécifiques, ce sont des marqueurs de diagnostic et de suivi.

  1. Le déficit en IgA est le plus fréquent des déficits en Ig, dans ce cas, il y a indication de rechercher des IgG anti TGT, pour

éviter de tomber dans des faux négatifs.

  1. Les taux de ces anticorps diminuent sous régime sans gluten et sont indirectement un bon moyen d’apprécier la bonne observance du régime par le patient.

Génétique : Recherche de HLA DQ8/DQ2 et DR3. (Présence obligatoire de DQ8 et ou DQ2)

7-Diabète de type 1 :

MAI spécifique d’organe, due à la destruction des cellulesβdes ilots de Langerhans du pancréas. Mécanismes lésionnels dus à l’immunité cellulaire, en plus des fonds génétiques.

Les auto-anticorps sont ici des marqueurs de la pathologie, utiles au diagnostic et au suivi des patients mais ne constituent pas l’élément déterminant de la pathologie.

Physiopathologie :

LT8 reconnait un antigène exprimé dans la cellule β >> destruction >> libération d’antigènes >> synthèse d’anticorps, mais pas d’autres signes.

Les signes apparaissent tardivement parfois même après 10 ans de l’apparition des aAC. On ne confirme pas la maladie avant l’apparition des signes.

Biologie : -AC anti-cellules d’ilots, anti-glutamate décarboxylase (GAD), anti-phosphatase et anti-insuline.

Génétique :

Plus de 30% des DID font la cœliaque, 40% une Thyroïdite AI : En cas de MAI non spécifique d’organe, il faut toujours rechercher les autres, il y toujours un fond génétique commun (DQ8 et ou DQ2).

Références :

-Cours dispensé par le Pr Djenouhat, Faculté de médecine d’Alger, Avril 2017.

-L’auto immunité, Pr. Michel Abbal.

-Pathologies auto-immunes : aspects épidémiologiques, diagnostiques et principes du traitement Association des Collèges des Enseignants d’Immunologie des Universités de Langue française.

-Auto-immunité et maladies auto-immunes, Dr N, Benachour.

-Dictionnaire médical, Cruveiller.

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