Ayoub yaici

Le syndrome d’immunodéficience acquise

 

Yaici Ayoub, Mai 2017.

1-Introduction :

Un déficit immunitaire est toute anomalie qualitative ou quantitative de l’une ou de plusieurs lignées cellulaires impliquées dans la réponse immune. Ces anomalies fragilisent l’organisme de façon durable ou passagère en favorisant la survenue

d’infections récidivantes et parfois de tumeurs.

Le déficit immunitaire est constitué lorsque l’insuffisance d’une ou de plusieurs fonctions immunologiques s’accompagne de manifestations pathologiques.

Les déficits immunitaires peuvent être primitifs « héréditaires » ou acquis. Les déficits immunitaires acquis peuvent être la conséquence : d’infections virales, d’affections malignes, de malnutrition ou de traitement immunosuppresseur.

Le SIDA ou syndrome d’immunodéficience acquise est un déficit immunitaire secondaire à l’infection par le virus VIH « virus d’immunodéficience humaine».

2-Epidémiologie :

-Les premiers cas de SIDA ont été rapportés aux Etats-Unis en 1981.

– 35 millions de personnes sont infectées par le VIH dans le monde dont près de 25 millions en Afrique subsaharienne.

-Avant 1995 : 3 à 5 Millions de décès enregistrés chaque année parmi les infectés.

-Des traitements efficaces existent aujourd’hui mais le virus n’est toujours pas éradiqué.

Il existe Deux types de VIH : 1 et 2, Chacun des deux dérive du virus d’immunodéficience simienne (SIV) qui s’est introduit dans la population humaine, l’origine pour HIV-2 est le mangabey de suie (SIVsm), alors que pour HIV-1, c’est le chimpanzé (SIVcpz).

VIH 1 : le plus fréquent, plus de 90% des infectés VIH 2 : n’est retrouvé qu’en Afrique de l’ouest.

La transmission du VIH :

-voie sexuelle.

-Voie sanguine : brèche, plaie, seringue contaminée.

-transmission verticale de la mère à l’enfant (au 3ème trimestre de la grossesse, à l’accouchement et pendant l’allaitement). Plus la quantité de virus (charge virale) est grande dans le liquide contaminant, plus le risque de transmission est élevé.

3-Structure du virus :

Le VIH est un rétrovirus (virus à ARN), appartenant à la famille des lentivirus, Il a une taille de 90-120nm. Caractérisé par deux enzymes particulières :

la transcriptase inverse va rétro-transcrire l’ARN en un ADN complémentaire
l’intégrase intègre l’ADN néoformé dans le génome de la cellule infectée

Il s’agit d’un virus enveloppé dont le génome comporte 9 gènes codant pour 15 protéines. Les plus importants sont :

Géne Env code pour l’enveloppe du virus et en particulier les glyco-protéines gp120 et gp41
Géne Gag code pour les protéines de la capside virale « core »
Génes Pol (Pol25, Pol19 ) code pour des enzymes : la transcriptase inverse, l’intégrase et la protéase.

Sa structure générale comprendra alors :

une enveloppe Comprenant les glycoprotéines impliquées dans l’infection :

gp 120: permettant la liaison au CD4

gp 41: protéine transmembranaire associée à la gp120 et nécessaire à la fusion.

un core codé par les gènes gag et comportant les protéines :

P17: couche protéique externe du core

P24: couche protéique interne du core

P7: liée directement à l’ARN génomique

Des enzymes codées par les gènes pol: intégrase, transcriptase inverse et protéase
D’un ARN Monocaténaire

 

 

4-Cellules infectées par le virus :

Ce sont les cellules exprimant le CD4 et les corécepteurs nécessaires à la fixation du virus. Les corécepteurs sont des récepteurs de chimiokines (CCR5 ou CXCR4).

Les souches de VIH qui utilisent CCR5 sont dites à tropisme « R5 ». Celles qui utilisent CXCR4 sont dites à tropisme « X4 ».

Celles qui utilisent soit l’un soit l’autre de ces corécepteurs sont dites à double tropisme.

VIH à tropisme R5 Infecte les :

-Monocytes, macrophages et cellules dendritiques.

-Thymocytes, microgliocytes*.

Nécessite un taux faible de CD4 sur la membrane de la cellule cible.
VIH à tropisme X4 Infecte les Lymphocytes T Nécessite un taux élevé de CD4 sur

la membrane de la cellule cible.

*donnent au virus un accès au cerveau, ce qui favorise le développement d’une encéphalite chronique.

Lors de la primo-infection, tous les virus sont majoritairement R5 et l’apparition de souches X4 au cours de l’évolution traduit une accélération de la maladie.

-Les LTCD4 infectés de manière active ont une durée de vie très brève de 24 à 48 heures.

-les macrophages peuvent produire du virus de manière prolongée sans effet cytopathogène.

-une faible proportion des lymphocytes T CD4 infectés survit à l’infection. Dans ce cas, l’ADN viral intégré n’est pas transcrit et le VIH non répliqué ne peut être détecté par le système immunitaire. Ces cellules sont principalement des LTCD4

mémoires de longue durée de vie qui représentent le réservoir principal du virus.

-Des déficits d’expression en CCR5 ont été identifiés :

Déficit homozygote résistance vis-à-vis de l’infection par le VIH
Déficit hétérozygote évolution plus lente de la maladie.

5-Cycle du virus :

  1. liaison de gp120 sur CD4 de la cellule cible.
  2. changement conformationnel de gp120 : démasque un site de liaison au co-récepteur d’entrée.
  3. liaison de gp120 avec le corécepteur >> modifie la structure de l’enveloppe virale >> exposition d’une région hydrophobe du gp41. Cette région est appelée «peptide de fusion».
  4. Le gp41 s’insère dans la membrane de la cellule cible >> la déstabilise >> fusion de l’enveloppe avec la membrane cellulaire.
  5. entrée de la nucléocapside virale dans le cytoplasme de la cellule cible.
  6. décapsidation et libération de l’ARN viral, de la transcriptase inverse et de l’intégrase dans le cytoplasme
  7. rétro-transcription de l’ARN en ADN, dit ADN proviral .
  8. l’ADN proviral pénètre dans le noyau, il est intégré dans le génome cellulaire (l’ADN viral intégré est dit Provirus, il reste latent pour une durée variable).
  9. Après activation, le provirus est transcrit en ARNs.
  10. Les différents ARN viraux sont épissés puis traduits en protéines qui seront clivées par les protéases virales.
  11. les protéines forment avec une nouvelle copie complète de l’ARN du génome de nouvelles particules virales.
  12. production de nouveaux virions qui quitteront la cellule par bourgeonnement de la membrane ayant intégré les GP virales.
  13. La maturation des virions se poursuit après bourgeonnement.

-La réplication est intense : 1 à 10 milliards de virions sont produits chaque jour chez un malade non traité.

-la transcriptase inverse n’est pas une enzyme fiable : elle génère un taux élevé de mutations sur l’ADN rétro-transcrit ce qui conduit très vite à une grande diversité de virions.

6-Physiopathologie :

L’infection par voie muqueuse se fait au niveau de la muqueuse génitale ou rectale, là où l’épithélium est le plus mince,

facilitée par des brèches ou des coïnfections génitales. Le virus traverse l’épithélium en très faible quantité en quelques heures.

La migration du virus dans la muqueuse est facilitée par les cellules dendritiques myéloïdes résidentes qui peuvent être infectées ou seulement lier le virus.

A la suite de son entrée chez l’hôte, le VIH reste indétectable une dizaine de jours. (Manque de cellules cibles disponibles dans la zone d’infection et présence de réponses immunes innées).

La réponse immunitaire, en multipliant localement le nombre de cellules pour combattre le virus, lui fournit toutes les cibles possibles pour qu’il se multiplie (T CD4 activés, cellules dendritiques myéloïdes qui capturent le virus et migrent dans les ganglions pour activer d’autres LT CD4 et donc les infecter…).

La transmission du virus entre cellules se fait majoritairement par contact intercellulaire et peu par des virus libres (car rapidement neutralisés par les anticorps).

La primo-infection est marquée par une destruction en quelques semaines de plus de 80% des LT CD4 de l’organisme. La lymphopénie TCD4 sanguine observée à cette période n’est donc qu’un faible reflet de la perte globale de cellules CD4 de l’organisme.

Il y aura ensuite intervention du système immunitaire avec une activation importante des lymphocytes T CD4 et T CD8 spécifiques du VIH.

La phase chronique est caractérisée par un contrôle relatif de la réplication virale grâce à la mise en place de fortes

réponses spécifiques T CD8 cytotoxiques. Cependant la réplication virale persiste.

Cette phase s’accompagne d’une déplétion lymphocytaire T CD4 progressivement croissante qui conduit au stade SIDA.

Durant cette période, l’activation du système immunitaire reste majeure. D’autres causes renforcent cette activation comme la réactivation de certains pathogènes, tels que le CMV, quand la déplétion lymphocytaire T est importante.

Plusieurs mécanismes participent à la destruction des LTCD4:

-l’infection directe avec effet lytique du virus.

-la destruction des LT CD4 infectés par les LTCD8,

-l’apoptose des LTCD4 non infectés liée à l’activation chronique.

-La formation de syncitia : cellules géantes, par fusion de plusieurs cellules T après liaison entre gp120 de la cellule infectée avec le CD4 et les corécepteurs des cellules infectées ou non >> formation d’une grosse masse multinucléée qui finit par éclater.

 

7-Evolution de l’infection par le VIH :

La durée d’évolution de l’infection VIH varie d’un individu à un autre, mais généralement, elle est de 9 à 12 ans, elle se déroule en 3 phases, qui suivront la physiopathologie de l’infection :

1-La primo-infection :

-suit le contact infectant, se manifeste cliniquement par un syndrome pseudo-grippal qui ne dure pas plus de 3 semaines.

-baisse du taux des LTCD4+ qui revient ensuite spontanément à la normale (par activation du système immunitaire).

-correspond à la multiplication initiale du virus avec une virémie importante et une stimulation du système immunitaire:

réponse humorale : Ac anti VIH seront détectables 3 à 12 semaines après l’infection, le sujet sera alors séropositif
réponse cellulaire CD8+ cytotoxiques qui freinent la réplication virale.

2-La phase asymptomatique « de latence »:

-Peut durer de 1 à 12 ans, les patients ne présentent que des adénopathies.

-Le virus est à l’état latent dans les organes lymphoïdes secondaires. Le taux des lymphocytes TCD4+ diminue lentement.

-Présence d’anticorps anti-HIV (séropositif), sans manifestations cliniques.

-Anomalies biologiques de type : anémie, thrombopénie, leucopénie, lymphopénie, hypergammaglobulinémie.

-La durée de cette phase connait une très grande variabilité d’un individu à un autre et dépend de plusieurs facteurs : Le type du virus et sa cytopahogénécité.

Facteurs génétiques liés à l’hôte : type de corécepteurs, type de réponses primitives, taux de l’IFN gamma …

3-La phase symptomatique :

Stade prè-SIDA : ARC (AIDS

related complex)

signes généraux: fièvre, amaigrissement, sueurs nocturnes, infections banales (candidose)
Stade SIDA maladie
  1. infections à germes opportunistes graves (tuberculose, pneumonie à pneumocystis jirovecci, toxoplasmose cérébrale) et à germes à développement intracellulaire.
  2. néoplasies (syndrome de Kaposi, lymphomes) et manifestations neurologiques.
  3. augmentation de la charge virale qui est concomitante de la diminution des lymphocytes

TCD4+< 200 cellules/mm3 et précédant l’apparition des symptômes.

  1. hypergammaglobunemie polyclonale, les LB sont hyperfonctionnels mais non dirigés contre une infection spécifique. (on parle d’une auto activation des LBs).
  2. Cytokines : IL6 très élevées.

8-Exploration :

La sérologie :

-Une antigénémie p24 peut être retrouvée dans le sang au cours de la primo-infection.

-Le rapport CD4/CD8 n’est plus utilisable pour le diagnostic car le taux des CD8 varie amplement au cours de l’infection.

-La sérologie anti-VIH n’est positive qu’à partir de la 3éme semaine : ELISA indirect, plus de 30% des positifs sont des faux à causes des épitopes communs avec d’autres antigènes différents de ceux du VIH.

-Si ELISA (+) >> TEST de confirmation : WESTERN BLOT : consiste en des protéines synthétiques ou des mélanges de virus VIH répartis selon leurs PM dans des bandelettes réactives, on dépose le sérum, et la coloration d’un niveau de la bandelette signifiera la fixation d’un anticorps du sérum avec son antigène sur la bandelette.

La confirmation du diagnostic (+) nécessite la présence de tous les critères de positivité : un anti P24 + au moins un anti protéine d’enveloppe.

Tous les critères sont remplis Le résultat est (+)
Aucune coloration Le résultat est (-)
Tous les critères ne sont pas remplis Résultat indéterminé*

*Dans ce cas, on attend 2 à 3 mois, et on refait le test pour confirmer.

La biologie moléculaire :

PCR en temps réel, renseigne sur la charge virale : le nombre de de copies d’ARN par ml de sang, cette technique est positive même durant les premiers jours d’infections, elle est très sensible et très spécifique.

-critère de diagnostic et de suivi (charge virale élevée sous traitement = résistance aux antiviraux).

-permet de poser le diagnostic chez le nouveau-né contrairement à ELISA et au WESTERN BLOT (en effet, seule la charge virale permet d’affirmer la transmission, car les AC peuvent aussi traverser le placenta, leur positivité est insuffisante chez le nouveau-né).

-Le dosage des igA chez le nouveau-né est abandonné, car leur maturité est tardive, un taux faible d’igA n’élimine pas l’infection au VIH chez le nouveau-né.

Clinique :

Le Zona chez l’adulte nous oriente vers le terrain de l’immunodéficience.

9-Suivi :

Par le dosage du CD4, la charge virale et les AC anti P24

NB : en cas d’une charge virale élevée avec un CD4 élevée on ne parle pas de stade SIDA maladie.

10-Traitement :

On suit le protocole de la trithérapie :

-2 Inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) + 1 inhibiteurs non nucléosidique.

-2 INTI + 1 Inhibiteur de la protéase.

-3 INTI.

Antiviral Effet
Maraviroc inhibiteur du CCR5
enfuvirtide Inhibiteur de la fusion
Tenofovir, Abacavir Inhibiteurs nucleosidiques de la transcriptase reverse
Névirapine, Efavirenz Inhibiteurs non nucleosidiques de la transcriptase reverse
Raltégravir Inhibiteur de l’integrase
Indinavir, Nelfinavir inhibiteurs de protéase

Références :

-Cours dispensé par le Professeur K.Djenouhat de l’institut de Pasteur d’Alger.

-Le SIDA, Professeur N. Kechout, Institut Pasteur d’Alger.

-Physiopathologie de l’infection par le VIH, Pr Pierre DELOBEL Service des Maladies Infectieuses et Tropicales, CHU de Toulouse.

-Le VIH, Dr Bouzeghoub Salima.

-Mécanismes des anomalies acquises du développement de l’immunité, VIH et système immunitaire. Olivier Lambotte, Nisen Abuaf, Guislaine Carcelain, Evelyne Kohli, Jean Daniel Lelièvre, Laurence Weiss.

-Richard Coico, Immunology.

-Kuby, immunology.

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