DIAPO 2020

Université d’Alger
Faculté de Médecine
Enseignement d’Anatomie Pathologique générale
3 éme Année de Médecine
Année Universitaire 2019-2020

Processus cancéreux
F. TERKMANI – K. MOKADDEM – MG. MOKHTECH – F Z SADAR – W. TOUISI
Responsables du module: R. BABA-AHMED – N. DJENNANE

I- Introduction
1-1 Etymologie
• Le terme de tumeur provient de « tumor », qui en latin signifie gonflement. Il s’agissait d’une désignation macroscopique, qui est obsolète. La définition actuelle d’une tumeur est du domaine de la microscopie = le caractère tumoral du tissu n’est identifiable qu’au microscope.
• Une tuméfaction, un polype sont des termes de macroscopie et peuvent être d’origine tumorale ou non (inflammatoire, dysembryoplasique, vasculaire).
1-2 Définition
La cellule cancéreuse:
Cellule anormale dotée d’un pouvoir de multiplication anarchique, indéfini, illimité, ayant tendance à envahir et à détruire les tissus avoisinants, échappant ainsi à la loi de l’homéostasie
Le cancer :
Prolifération cellulaire anormale, anarchique, échappant aux lois de l’homéostasie tissulaire
La carcinogenèse :
Processus complexe qui aboutit à la transformation d’une cellule normale en une cellule maligne
II- Notion d’homéostasie :
• Les tissus adultes sont le résultat de la multiplication, de la résorption (par apoptose), et de la spécification des cellules primitives lors du développement.
• Les tissus se renouvellent et se reconstituent tout en s’adaptant aux besoins se qui réalise l’homéostasie tissulaire.
• La capacité principale des cellules cancéreuses est de proliférer fortement et de manière autonome, sans dépendre des communications qui régulent normalement la prolifération cellulaire
2-1 Signalisation de la prolifération
• Une cellule peut recevoir différents types de signaux en provenance d’autres cellules qui activent sa prolifération.
• Les facteurs de croissance portent des signaux, par exemple le facteur de croissance épithélial EGF (EpithelialGrowth Factor) qui active la
prolifération des cellules épithéliales 

 

 

 

 

 

 

 

 

2-2 Cycle cellulaire

• La phase G1, est une phase de croissance cellulaire
• La phase S est une phase de duplication de l’ADN
• La phase G2: la cellule finalise la duplication de l’ADN ainsi que la croissance cellulaire
• La phase M correspond à la division cellulaire
Le cycle cellulaire regroupe les différentes phases qui permettent à une cellule de générer deux cellules filles:
2-3 La sénescence
• La sénescence est un mécanisme naturel de défense contre les cellules qui bénéficient d’une stimulation de la prolifération  anormalement élevée.
• Pour éviter la sénescence, les cellules cancéreuses peuvent avoir recours à plusieurs solutions : générer des signaux de prolifération ou bénéficier de mutations inactivant les gènes de la sénescence.
• Les gènes suppresseurs de tumeurs p16 et p53 déclenchent la sénescence lorsque la prolifération cellulaire est trop intense.
• Le gène p53 est inactivé dans la plupart des cancers.
III- Les principes de l’oncogenèse
3-1 Les proto oncogènes et oncogènes
• Le proto oncogène : gène présent à l’état normal, c’est un régulateur de la croissance et de la différenciation cellulaire normale.
• L’oncogène : c’est tout gène auquel une anomalie qualitative ou quantitative lui confère la propriété de transformer une cellule normale en une cellule maligne.
Mécanismes d’activation des oncogènes :
a- Mécanismes génétiques
-Réarrangement génique
-Amplification génique
-Mutation somatique
III- Les principes de l’oncogenèse
b- Mécanismes épigénétiques :
L’hyperactivité de l’oncogène n’est pas due à une altération intrinsèque du gène, mais à des mécanismes indirects : Anomalies de la méthylation de l’ADN codant pour les séquences régulatrices de ces gènes, l’hypo ou l’hyper méthylation des gènes peut modifier leur transcription alors que la séquence de l’ADN est normale.
c- Intégration virale :
Elle se fait dans le génome de la cellule infectée, ex: HPV 16-18 retrouvé dans le cancer du col utérin.
3-2 Les gènes suppresseurs
• Les gènes suppresseurs de tumeurs sont des garde-fous qui empêchent la dérive d’une cellule vers la malignité. C’est la raison pour laquelle de nombreux gènes suppresseurs de tumeurs sont inactivés dans les cancers.
• Les gènes suppresseurs de tumeurs agissent soit en inhibant des mécanismes qui favorisent l’oncogenèse, soit en activant des mécanismes qui empêchent l’oncogenèse.
3-3 La résistance à la mort cellulaire
• Au cours de sa vie, une cellule peut connaître des situations stressantes comme un faible taux d’oxygène. Elle peut aussi subir des dégâts comme des dommages sur son ADN Lorsqu’elle peut résoudre ces problèmes, la cellule continue à vivre. Cependant, si la cellule est trop stressée ou trop endommagée, elle déclenche l’apoptose.
• L’apoptose permet ainsi de se débarrasser des cellules endommagées ou fortement mutées qui peut menacer le tissu ou même l’organisme tout entier.
• La vie d’une cellule dépend d’un équilibre entre des facteurs moléculaires qui favorisent la survie cellulaire et des facteurs moléculaires qui provoquent la mort cellulaire
• Lorsque les facteurs de mort sont plus nombreux que les facteurs de survie, la cellule déclenche sa propre mort par apoptose qui est une mort cellulaire programmée
3-4 L’immortalité : Télomère et télomérase
• Le système de réplication est incapable de recopier le bout du chromosome. Afin que l’information génétique ne soit pas perdue, les chromosomes possèdent à leurs extrémités des séquences d’ADN répétées qui ne contiennent aucune information génétique : ce sont les télomères
• À chaque cycle cellulaire, les télomères se raccourcissent
• Au bout d’un certain nombre de cycles cellulaires, la cellule entre en crise télomérique: soit elle entre en senescence , soit elle déclenche sa mort programmée par apoptose.
• Pour proliférer sans limite, les cellules cancéreuses doivent donc déjouer cette barrière en utilisant une protéine qui est la télomérase capable d’allonger ces télomères
IV-Les différentes phases du processus cancéreux
04 phases:
• Phase d’initiation
Au cours de cette phase s’observe des modifications du patrimoine génétique qui conduit à une capacité accrue de division
• Phase de promotion
Les cellules cancéreuses échappent au mécanisme de réparation génétique. Les cellules initiées se divisent plus rapidement donnant ainsi des lésions à type d’hyperplasie et de dysplasie
• Phase de croissance tumorale ou progression

Les cellules se divisent anarchiquement et présentent un aspect anormal aboutissant ainsi à un carcinome in situ et par la suite à un cancer infiltrant
• Phase de dissémination tumorale ou métastase
Stades précancéreux
• L’oncogenèse est initiée lorsqu’une cellule normale subit une ou plusieurs mutations.
La cellule transformée prolifère alors de manière exagérée, faisant apparaître un tissu ayant un nombre anormalement élevé de cellule mais de morphologie normale.
Cet état tissulaire s’appelle l’hyperplasie.
• Si les cellules transformées progressent dans l’oncogenèse, elles aboutissent à une dysplasie
• Le dernier stade précancéreux est le carcinome in situ
Stades cancéreux
• Lorsque la tumeur rompt la membrane basale, le carcinome devient invasif.
• Les cellules cancéreuses envahissent le mésenchyme où elles sont à proximité des vaisseaux sanguins et lymphatiques.
• Le dernier stade cancéreux est le cancer métastatique:
V. Caractéristiques du tissu tumoral
Le tissu tumoral est composé de:
1. Cellules tumorales: ceux sont des cellules prolifératives anormales.
2. Stroma tumoral: constitué de cellules et de substances extracellulaires qui accompagnent les cellules tumorales.

5.1. Modifications fonctionnelles et morphologiques
La cellule cancéreuse se caractérise par:
• Des modification des caractéristiques de prolifération, de différenciation, de sénescence et d’apoptose:
                   • Echappement aux points de contrôles du cycle cellulaire
                   • Insensibilité aux signaux antiprolifératifs
                   • Résistance à l’apoptose
                   • Prolifération illimitée (perte de la sénescence)
• Dysfonctionnement des systèmes de réparation des altérations de l’ADN
• Capacité à induire l’angiogénèse
• Capacité d’invasion tissulaire et diffusion métastatique
• Modifications caryotypiques : anomalies chromosomiques
Modifications morphologiques
• Anomalies du noyau: rapport nucléo cytoplasmique augmenté, anysocaryose, hyperchromatisme, épaississement de la membrane nucléaire épaissie, multi nucléation, nucléoles multiples volumineux et irrégulier, anomalies mitotiques en nombre, anomalie de formes
• Anomalies du cytoplasme: anisocytose, présence parfois d’inclusion (mucine, glycogène ou lipide)
5.2. Stroma tumoral
Le stroma est un tissu conjonctivo-vasculaire néoformé, non tumoral élaboré par l’hôte sous l’influence de cellules cancéreuses (matrice extra cellulaire+ compartiment cellulaire+ vaisseaux)
Rôle:
• Mécanique, support
• Oxygénation et nutrition
• Contrôle de différenciation prolifération, adhésion et migration
• Interface tumeur/ cellules immunitaires
Le stroma tumoral est constitué:
• Cellules conjonctives normales
Matrice extra cellulaire (fibre collagènes, élastiques, glycoprotéines, protéoglycane)
• Filets nerveux
Vaisseaux sanguins néoformés (angiogenèse): rôle dans la nutrition et la dissémination (métastase)
Les variations du stroma:
1. selon l’abondance: variation quantitative
§ Mise en évidence
    • Facile: tumeur épithéliale
    • Difficile: tumeurs mésenchymateuse
§ Importance: consistance
     • Abondant: dureté pierreuse: (linite plastique gastrique)
     • Discret souvent nécrosé: molle, encéphaloïde
2. Variation qualitative
permet d’orienter le diagnostic
-organoïde: adaptatif analogue au tissu conjonctif normal de l’organe ex: tumeur neuroendocrine
-Inflammatoire: défense
• Exsudative avec PNN: infection du cancer superficiel
• Lympho plasmocytaire: réaction de défense immunitaire
• Granulomateuse: certaines tumeurs (séminome)
-Stroma remanié: hyalin mucoïde dans le cylindrome
5.3. Cancer et angiogenèse
• L’angiogenèse tumorale est la formation de nouveaux vaisseaux à partir de vaisseaux pré existants
• permet l’acquisition du pouvoir invasif et métastasiant
Facteurs angiogéniques:
A. Facteurs pro angiogéniques
• VEGF
• FGF: migration cellulaire (expression d’integrine)
• Angiopoïétine:
• Angiopoïtine1: remodelage vasculaire
• Angiopoïtine 2: proangiogénique
B. Inhibiteur de l’angiogénèse (Bloquent l’action VEGF et FGF)
• Angiostatine
• Thrombospondine
Une rupture d’équilibre entre pro et anti angiogénique en faveur des pro angiogénique

Etapes de l’angiogenèse
1. Bourgeonnement:
• Prolifération de cellules endothéliales à la face externe des capillaires S/ f de petites masses
• Bourgeon plein se creusent de lumière
2. Migration:
• Allongement des bourgeons qui migrent de façon orienté vers le foyer tumoral (action d’enzyme protéolytique élaborées par les cellules endothéliales et expression d’intégrine)
3. Organisation:
• Structuration des bourgeons en un réseau capillaires fonctionnel
4. Remodelage:
• Adaptation permanente du réseaux vasculaire aux besoin du foyer tumoral
5.4. Immunité et cancer
– La découverte de l’immunité antitumorale, a débuté au XIXe siècle, lorsqu’un chirurgien a constaté des régressions de tumeur chez des malades qui développaient parallèlement un épisode infectieux.
-Les défenses cellulaires anti tumorales sont assurées essentiellement par :
• les lymphocytes T cytotoxiques CD8 : interviennent en réponse à des Ag de surface reconnus comme étrangère (Ag spécifiques de certaines tumeurs, Ag viraux, molécules du CMH modifiées) présentés en association avec les molécules de classe I du CMH (complexe majeur d’histocompatibilité) ;
• les lymphocytes natural killer (NK) responsables d’une cytotoxicité directe non restreinte par le CMH.
– Les mécanismes d’échappement de la réponse immunitaire anti-tumorale sont nombreux:
• la diminution de l’expression des molécules de classe I du CMH, qui limite la reconnaissance par les lymphocytes T cytotoxiques CD8
• la sécrétion de cytokines immuno-suppressives par la tumeur elle-même :
TGFbéta (transforming growth factor)……

VI. Cancer métastatique
Métastases (ou tumeurs secondaires)
Développement de nouveaux foyers tumoraux à distance du foyer initial(tumeur primitive), de même nature et sans relation de contiguïté avec elle (la croissance est autonome, indépendante de celle de la tumeur primitive)
Étapes de la dissémination métastatique
Depuis le foyer tumoral initial, les cellules cancéreuses subissent ces différentes étapes:
-détachement cellulaire et invasion de la matrice extra-cellulaire.
-intravasation : passage dans la circulation
-survie dans la circulation
-Extravasation
-survie et prolifération dans un site secondaire
Voies de dissémination
Extension lymphatique: la voie la plus fréquente de dissémination des carcinomes
Extension hématogène
• Diffusion par des cavités naturelles de l’organisme (séreuses, bronches, voies urinaires, canaux biliaires, canal rachidien…). Ex: extension péritonéale d’un
carcinome ovarien
1. Extension lymphatique
• Les cancers les plus lymphophiles sont les carcinomes, en particulier: sein, thyroïde,col utérin, et les mélanomes mais cette voie peut se rencontrer également au cours des sarcomes
• La métastase ganglionnaire se fait selon le drainage ganglionnaire normal de la région atteinte.
Exemple : ganglions axillaires pour un carcinome mammaire.
• La présence d’un ganglion sus-claviculaire gauche (ganglion de Troisier), dernier relais avant la circulation générale, et qui signe ainsi une diffusion prochaine à tout l’organisme du processus cancéreux.
• La lymphangite carcinomateuse est une dissémination abondante et diffuse de cellules malignes dans les capillaires lymphatiques d’un organe entier (souvent le poumon).
2. Extension hématogène
-Après passage des cellules cancéreuses par la voie lymphatique ou directement par effraction de la paroi vasculaire sanguine, facile pour les vaisseaux du stroma à paroi mince (sarcomes)
-La diffusion par voie sanguine est commune aux sarcomes, aux carcinomes et aux mélanomes.
Aspect macroscopique des métastases
• Une masse tumorale unique évoque une tumeur primitive et la présence de nodules tumoraux multiples dans le poumon ou le foie est un argument macroscopique en faveur de métastases.
Aspect microscopique des métastases
• L’aspect morphologique peut être identique, moins différencie voire dédifférencie par rapport à la tumeur primitive
• La localisation, l’analyse histologique et l’étude immunohistochimique peuvent orienter la recherche de la tumeur primitive, si la métastase est révélatrice:
ex: l’expression de la PSA dans une métastase osseuse d’un adénocarcinome est en faveur d’une origine prostatique.
VII Classification tumorale
–Se base sur:
-Type histologique +/- grade
-Envahissement local
-Envahissement à distance
-État général des patients
–Intérêt pronostic:
– Guider les protocoles thérapeutiques.
– Comparer les résultats entre des groupes homogènes de patients

Stade TNM
• T : tumeur .
• N : ganglion (node).
• M : métastase.
En fonction du degré de différenciation : Plus le grade est élevé, plus la
tumeur est agressive
Tumeur de bas grade
Tumeur de haut grade
Classification histo-pronostique
• Scarff Bloom Richardson : sein
Score de Gleason et groupes de grade: prostate
VII. Conclusion
• Meilleure connaissance du déroulement du processus cancéreux
• Prise en charge thérapeutique adéquate:
– Chirurgie.
Radiothérapie.
Chimiothérapie.
Hormonothérapie
immunothérapie, thérapeutiques ciblées.

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