LE TISSU CARTILAGINEUX
1 – DEFINITIONS
Le tissu cartilagineux est une forme d’adaptation morphologique et fonctionnelle en vue de la constitution de pièces de soutènement. Il assure un rôle de soutien.
C’est un tissu conjonctif pauvre en cellules (10% de la masse totale) et dont la matrice extracellulaire est solide et élastique. Il est constitué de cellules (chondrocytes), de fibres et d’une substance fondamentale riche en cartilagéine. Les fibres et la substance fondamentale donnent au cartilage ses propriétés physiques particulières telles que la résistance et l’élasticité.
Les importantes analogies avec le tissu osseux sont dues essentiellement au fait qu’ils se développent de façon coordonnée et conjointe jusqu’à la puberté. Au cours de l’ossification, la grande majorité du tissu cartilagineux est remplacée par du tissu osseux.
Le tissu cartilagineux est avasculaire. A la surface du cartilage, on observe un tissu conjonctif, appelé périchondre. Ce dernier assure la nutrition et la croissance du cartilage.
Le tissu cartilagineux constitue la majeure partie du squelette embryonnaire et fœtal. Chez l’enfant et l’adolescent il persiste entre la diaphyse et les épiphyses des os longs où il constitue le cartilage de conjugaison. Chez l’adulte le cartilage est plus rare.
2– METHODES D’ETUDE.
L’étude histologique du cartilage nécessite une étape de décalcification après la fixation de la pièce. La décalcification a pour but d’obtenir des coupes de bonne qualité pour l’observation au microscope. Les décalcifiants les plus couramment utilisés sont l’acide éthylène diamine tétracétique (EDTA) et les polyacides. Par la suite des étapes d’imprégnation et d’inclusion dans la paraffine son effectuées.
Les colorations histologiques choisies sont adaptées à l’étude du cartilage. Elles permettent d’évaluer au mieux l’aspect et le contenu du tissu, tant au niveau cellulaire qu’a celui de la matrice extracellulaire. Un exemple de colorant utilisé est l’hématoxyline-éosine-safran (HES). Elle colore les noyaux en violet, le cytoplasme en rose-rouge et le collagène en jaune-orangé.
3– LES CELLULES.
Chez l’adulte, le tissu cartilagineux est formé de chondrocytes. Il existe aussi des chondroclastes, cependant ce sont des cellules du périchondre qui résorbent la matrice cartilagineuse.
3.1 – LE CHONDROCYTE.
Au microscope optique, le chondrocyte est une cellule sphérique ou ovoïde. Son diamètre varie entre 10 et 40 um. Le chondrocyte possède un noyau, arrondi, volumineux et un cytoplasme basophile.
Au microscope électronique chaque cellule offre à voir un cytoplasme riche en réticulum endoplasmique granulaire, en ribosomes libres en formation golgiennes, en vacuoles de glycogène et en gouttelettes lipidiques. Le noyau présente un à plusieurs nucléoles. La membrane plasmique est irrégulière, elle envoie de courts prolongements dans la matrice environnante.
Le chondrocyte occupe une logette au sein de la matrice extracellulaire appelée chondroplaste.
Le chondrocyte et son microenvironnement péricellulaire est appelé chondrone. Ce dernier représente l’unité structurale, fonctionnelle et métabolique du cartilage hyalin.
Dans le cartilage fœtal les cellules sont généralement isolées, réparties au hasard. Chez l’adulte, les chondrocytes forment des nids cellulaires, descendants d’une seule cellule, appelés groupes isogéniques.
Les chondrocytes sont responsables de la synthèse des précurseurs protéiques des fibres et de la substance fondamentale cartilagineuse. Ils synthétisent aussi des cytokines et des facteurs de croissance.
Les chondrocytes peuvent se diviser pour donner d’autre chondrocytes. Ceux-ci peuvent également se différencier à partir des cellules immatures dérivées des cellules mésenchymateuses, les chondroblastes. Ce sont des cellules capables de synthétiser et d’organiser une matrice extracellulaire cartilagineuse.
3.2 – LE CHONDROCLASTE.
Le chondroclaste est localisé à la surface de la matrice cartilagineuse. C’est une cellule géante multinuclée présentant une membrane plasmique à bordure en brosse et un cytoplasme acidophile, riches en lysosomes, possédant l’équipement enzymatique nécessaire à la résorption du tissu cartilagineux et notamment des métalloprotéases (matrix metalloprotéases : MMP). On appelle ce phénomène la chondroclasie.
4– LES FIBRES CARTILAGINEUSES.
Elles forment un réseau fin dans la substance fondamentale. Elles sont représentées essentiellement par les fibres de collagène et les fibres élastiques. Les fibres de collagène sont de type I, II ou IX.
Les fibres collagènes ne sont pas visibles à l’état frais. On peut les observer au microscope polarisant ou par des techniques spéciales comme la digestion de la substance fondamentale par la trypsine. Au microscope électronique les fibres de collagène présentent une périodicité de 610 à 640 A° et un diamètre variable de 200 à 600 A°.
La disposition des fibres de collagène est particulière et varie en fonction de la localisation du cartilage. Ainsi, on peut observer des groupes de fibres disposées circulairement en panier (chondrones) autour d’un ou de plusieurs chondrocytes ou bien des fibres de collagène orientées parallèlement, plus ou moins serrées, entre les paniers ; ce sont les fibres de collagène interterritoriales.
5– LA SUBSTANCE FONDAMENTALE.
La substance fondamentale du tissu cartilagineux est homogène, translucide et basophile en technique ordinaire. Elle est métachromatique au bleu de toluidine et PAS (acide périodique de Schiff) positive.
La substance fondamentale est riche en eau, en sels minéraux (K+, Na+, Mg+) et en protéoglycanes sulfatés. Les glycosaminoglycanes les plus importants sont la chondroitine sulfate (cartilagéine), le kératane sulfaté et l’acide hyaluronique. Ce dernier est présent, en quantité beaucoup moins importante que dans le cas du tissu conjonctif.
6– LE CHONDRONE.
Le chondrone est composé de chondrocytes, de l’espace péricellulaire et de la capsule de fibres de collagène, en forme de panier fibreux. Les chondrocytes sont logés dans des chondroplastes.
Un chondrone, constitué par un chondrocyte et son microenvironnement péricellulaire, représente l’unité structurale, fonctionnelle et métabolique des cartilages hyalins.
7– VARIETES DE TISSU CARTILAGINEUX.
On en distingue trois types ; le cartilage hyalin, le fibrocartilage et le cartilage élastique.
7.1 – CARTILAGE HYALIN.
Il constitue le modèle des pièces osseuses chez l’embryon et le fœtus. Le cartilage hyalin est constitué de cellules, de formations fibrillaires et de substance fondamentale. Il est mis en évidence par la coloration au H.E.S (Hématoxyline-éosine-safran) qui colore le noyau en volet, le cytoplasme en rose ou rouge et le collagène en jaune orangé.
La substance fondamentale est constituée d’eau (60-90%), de sels minéraux (Na 95%, Ca, Mg, K, Cl…) et de substances organiques tel que le collagène.
Le cartilage hyalin est le plus répandu des tissus cartilagineux. On l’appelle cartilage hyalin (du grec hyalos = glace) ; à cause de son matériel blanc perlé qui est quelque peu translucide ; cette apparence est due en particulier à sa substance intercellulaire.
On en distingue deux types :
- Le cartilage hyalin immature.
- Le cartilage hyalin mature. C’est le cas du cartilage de conjugaison (au niveau des métaphyses des os long), du cartilage articulaire (au niveau des articulations) ou du cartilage intercostal, de la trachée, du nez etc.
7.1.1 – CARTILAGE HYALIN IMMATURE.
Il est observé au niveau des cartilages de croissance. Chez l’embryon et le fœtus on l’observe essentiellement au niveau des modèles des pièces osseuses. La matrice de ce tissu est différente de la matrice du cartilage hyalin mature. En particulier, on observe la présence de collagène de type IX.
7.1.2 – CARTILAGE HYALIN MATURE.
Les fibres de collagène sont formées, de molécules de tropocollagène de type II. Les fibres élastiques sont absentes, la substance fondamentale est riche en eau et en glycosaminoglycanes sulfatés.
A– le cartilage hyalin de conjugaison
Il est localisé au niveau des métaphyses de l’os long. Le cartilage hyalin de conjugaison intervient, au cours de l’enfance et de l’adolescence, dans la croissance des os longs, donc dans la taille du futur adulte. Jusqu’à l’âge adulte, la croissance en longueur des os s’effectue grâce à la prolifération des cartilages de conjugaison suivie d’une ossification.
B– le cartilage hyalin articulaire
Il est localisé au niveau des articulations mobiles. La face articulaire forme l’interface entre les deux pièces osseuses. Ainsi, les cartilages articulaires assurent la mobilité de l’articulation. La face opposée à l’articulation (ou face abarticulaire) est enchâssée dans l’os avec une calcification de la MEC cartilagineuse située à l’interface osseuse.
Enfin, latéralement, l’articulation est limitée par le tissu synovial.
Les cartilages articulaires empêchent, avec le liquide synovial, le frottement des surfaces osseuses.
Dépourvus de périchondre, les cartilages articulaires se nourrissent essentiellement à partir du liquide synovial.
7.2– FIBRO-CARTILAGE.
Il se localise dans les endroits nécessitant à la fois rigidité et grande résistance tels que les disques intervertébraux, la symphyse pubienne, le ménisque du genou, l’insertion du talon d’Achille etc.
Le fibrocartilage possède une matrice extracellulaire qui renferme d’épais faisceaux de fibres de collagène de type I visibles par la coloration au trichrome de Masson.
Ces fibres forment des faisceaux orientés détectables en microscopie optique après coloration au trichrome de Masson.
Le fibrocartilage est particulièrement apte à résister de très fortes pressions, tout en gardant une certaine souplesse.
7.3– CARTILAGE ELASTIQUE.
Le cartilage élastique a une densité cellulaire plus importante que les autres types de cartilage avec présence de nombreuses fibres élastiques (mise en évidence par l’orcéine) disposées en réseaux tridimensionnels. Ces fibres permettent la déformation et la restitution de la forme initiale de ce cartilage.
Le cartilage élastique s’observe au niveau des zones nécessitant une grande flexibilité, tels que le conduit auditif externe, l’épiglotte, la trompe d’eustache et certains cartilages du larynx.
8 – LE PERICHONDRE.
Le périchondre est une gaine de tissu conjonctif qui entoure le cartilage, sauf au niveau des surfaces articulaires. Il est formé de deux couches : – Une couche superficielle fibreuse, richement vascularisée (c’est une couche nourricière). Elle présente de nombreuses fibres de collagène, des fibroblastes et une importante vascularisation.
– Une couche profonde chondrogéne. Elle est formée par des fibres de scharpey. Ces dernières sont des fibres collagènes arciformes, servant de points d’ancrage, pénétrant dans le tissu cartilagineux. On y observe aussi des cellules mésenchymateuses qui sont à l’origine des chondroblastes dont la différenciation donne des chondrocytes. Le cartilage formé à partir des chondroblastes du périchondre est apposé à la surface du cartilage préexistant et en augmente l’épaisseur.
C’est un tissu vascularisé qui intervient dans la nutrition, la croissance et la dégénérescence du cartilage.
9– NUTRITION DU CARTILAGE.
Le tissu cartilagineux est avasculaire. Il ne comporte pas de capillaire suppléant à son oxygénation et à sa nutrition. La quantité remarquable de liquide présente dans la matrice du cartilage permet la diffusion des gaz, des substances nutritives et le rejet des déchets. La circulation se fait dans deux sens ; des capillaires vers les chondrocytes et vice vers ca.
Un autre point très important, le mécanisme de diffusion de la matrice est bloqué, lorsque la matrice devient calcifiée. La calcification de la matrice entraine la mort des chondrocytes.
La nutrition du cartilage se fait soit à partir des capillaires sanguins de la couche externe du périchondre, soit grâce au liquide synovial pour les cartilages articulaires
10– DEVELOPPEMENT, CROISSANCE ET DEGENERESCENCE DU CARTILAGE.
10.1– DEVELOPPEMENT DU CARTILAGE.
La chondrogenèse se fait à partir des cellules mésenchymateuses qui se transforment en chondroblastes, ces derniers synthétisent et libèrent les constituants de la matrice extracellulaire qui devient de plus en plus abondante et finissent par ‘s’emmurer’ pour devenir des chondrocytes.
10.2- CROISSANCE DU CARTILAGE.
La croissance du cartilage s’effectue selon une double modalité :
- La croissance appositionnelle :
C’est l’apposition de couches cartilagineuses périphériques résultante de la chondrification du périchondre à partir des cellules les plus internes, assurant la croissance en épaisseur.
- La croissance dite interstitielle :
Elle dépend du pouvoir mitogène des cellules du cartilage jeune et de l’orientation du plan de mitose :
-Les groupes isogéniques axiaux ou sériés: Le plan reste le même d’une mitose à l’autre (croissance en longueur).
-Des groupes isogéniques coronaires : Le plan varie d’une mitose à l’autre (croissance en épaisseur).
La croissance interstitielle par groupes isogéniques axiauxest observée chez le fœtus mais également au cours de la croissance osseuse post-natale des os long. En effet jusqu’à la puberté, la métaphyse des os longs renferme un cartilage de croissance nommé cartilage de conjugaison et qui participe à la croissance en longueur osseuse.
10.3 – DEGENERESCENCE DU CARTILAGE.
Elle est due soit à des atteintes cellulaires (calcification, lyse) ou à l’atteinte de la matrice extracellulaire: lyse de la substance fondamentale et épaississement des fibres de collagène à l’origine de troubles divers comme dans le cas de l’arthrose (dégénérescence du cartilage articulaire).