nazih mohammed zakari

 

Exploration fonctionnelle de l’œsophage :

  1. Introduction :

L’œsophage est un organe accessible et se prete facilement aux explorations. On distingue 3 zones au niveau de l’œsophage : le sphincter superieur de l’œsophage (SSO), le corps de l’œsophage et le sphincter inferieur de l’œsophage (SIO). Chaque zone a ses particularites motrices pouvant etre mises en evidence par des methodes directes ou indirectes dont les methodes d’exploration dites fonctionnelles.

L’exploration fonctionnelle de l’œsophage (EFO) fait appel a des methodes capables d’evaluer chez l’homme la physiopathologie des symptomes œsophagiens. Elles ont un double interet : diagnostic et therapeutique.

L’œsophage a une fonction purement motrice. Il presente deux fonctions motrices essentielles : il assure le temps œsophagien de la deglutition ; et previent le refux gastro-œsophagien (RGO) acido-peptique et/ou bilieux.

À chacune de ces fonctions correspond un groupe d’anomalies fonctionnelles :

    • les troubles du temps œsophagien de la deglutition (ensemble d’anomalies motrices) tels que l’achalasie, la maladie des spasmes difus de l’œsophage ;
    • les troubles de la continence gastro-œsophagienne, notamment responsables du RGO.

L’EFO comprend plusieurs examens dont la manometrie œsophagienne, la pHmetrie œsophagienne, la scintigraphie de l’œsophage et les tests de provocation.

  1. La manometrie œsophagienne :

La manometrie œsophagienne (MO) consiste en l’enregistrement des pressions intraluminales dans divers segments de l’œsophage (pharynx, SSO, corps, SIO). Elle etudie les pressions de repos et apres deglutition. C’est un moyen d’investigation des maladies fonctionnelles de l’œsophage.

A. Technique d’examen : la methode la plus courante consiste a inserer dans l’œsophage une sonde constituee d’un faisceau de catheters pour perfusion multiluminale, dont les orifces lateraux sont a 5 cm d’intervalle. Chaque catheter est relie a un capteur de pression qui, a son tour, est fxe a un dispositif d’enregistrement graphique (ordinateur). Le malade doit etre a jeun depuis au moins 12h et n’ayant consomme aucun medicament depuis au moins 48h. Il doit etre positionne en decubitus, de preference a gauche. Une fois dans l’estomac, le catheter est retire doucement et progressivement.

Manometrie haute resolution (MHR) : depuis peu d’annees la technique de manometrie a ete amelioree avec le developpement de capteurs plus sensibles et plus nombreux fournissant des informations plus detaillees. Elle fournit des mesures rapprochees de pressions depuis le pharynx jusqu’a la partie proximale de l’estomac (incluant la jonction œso-gastrique) avec analyse topographique des variations de pression œsophagienne (fgure 1).

Ses indications sont les memes que celles de la manometrie conventionnelle. Ses avantages sont sa plus grande rapidite de realisation, sa facilite de realisation et d’interpretation (tres utile pour l’enseignement), le fait qu’elle permette l’analyse du pharynx contrairement a la manometrie conventionnelle, sa meilleure tolerance (pas de mobilisation de la sonde lors de l’examen), son meilleur rendement diagnostic(ses mesures sont plus objectives) et enfn le fait qu’elle permette l’analyse fonctionnelle grace a l’augmentation du nombre de capteurs de pression avec possibilite de representation spatiotemporelle des variations de pression.

Une autre semiologie manometrique est en cours d’evaluation en raison de l’apport de details qui n’etaient pas disponibles avec la manometrie conventionnelle.

Les inconvenients de la MHR sont son cout eleve, et l’absence d’etude d’impact a l’heure actuelle car la technique est toujours en cours d’evaluation.

Figure 1 : releve d’une manometrie haute resolution.

  1. Parametres a etudier : la pression est mesuree au niveau du sphincter inferieur de l’œsophage (SIO) au repos et au moment de la deglutition ainsi qu’a plusieurs endroits de l’œsophage, afn d’apprecier la reponse a la deglutition. Le peristaltisme pharyngien et la fonction du sphincter superieur de l’œsophage (SSO) peuvent aussi etre evalues. Apres deglutition, seront etudies l’amplitude et la vitesse de propagation de l’onde contractile.

La manometrie peut etre jumelee aux tests de provocation (perfusion acide, dilatation pneumatique a l’aide d’un ballonnet ou stimulation pharmacologique de l’œsophage a l’aide de bethanecol ou d’edrophonium) dans une tentative pour produire des contractions anormales et de reproduire la douleur thoracique.

 

  1. Indications et resultats :
  2. Le profl manometrique normal (fgures 2, 3 et 6) : la pression de base du SSO est de +35 a +40 mmHg, et se relache a 100% a la deglutition pendant moins d’une seconde.

La pression de base du SIO varie entre +10 a +20 mmHg et peut aller jusqu’a 25 mmHg, et se relache au moment de la deglutition de 90% a 100% pendant 8 a 9 secondes.

La pression basale du corps est de -8 a -2 mmHg, et atteint au moment du passage du bolus alimentaire jusqu’a +6 mmHg.

L’amplitude normale de l’onde contractile primaire est de l’ordre de 50 a 110 mmHg. Sa duree normale est de l’ordre de 7 a 10 secondes.

Figure 2 : profl manometrique normal. Figure 3 : Intervalles des pressions a chaque niveau de l’œsophage.

  1. Les troubles moteurs de l’œsophage :
  2. Mega-œsophage idiopathique ou achalasie du cardia : il peut se manifester cliniquement par une douleur thoracique et/ou une dysphagie. À la manometrie on retrouve (fgures 4 et 6) :
    • une hypertonie du SIO (pression > 25 mmHg) ;
    • absence de relaxation ou relaxation incomplete du SIO apres une deglutition ;
    • absence d’ondes peristaltiques, mais il existe des contractions simultanees, repetees pouvant etre puissantes d’amplitude tres elevee.

Figure 4 : Profl manometrique au cours d’une achalasie au stade d’hypotonie du corps de l’œsophage. Noter l’hypertonie du SIO et l’absence de relaxation a la deglutition.

  1. Maladie des spasmes difus de l’œsophage : cette maladie se manifeste cliniquement par des douleurs thoraciques et une dysphagie (surtout chez les sujets ages). Les anomalies manometriques sont les suivantes (fgures 5 et 6) :
    • au niveau du corps de l’œsophage, on retrouve des ondes de contraction de grande amplitude, qui durent plus de 5,5 secondes, parfois synchrones a tous les niveaux de l’œsophage, non propagees ;
    • au niveau du SIO, il existe parfois une hypertonie mais la relaxation est normale.

Figure 5 : Trace manometrique au cours de la maladie des spasmes difus de l’œsophage.

  1. Sclerodermie : c’est une maladie generale (maladie de systeme ou collagenose) qui interesse les fbres musculaires lisses. Elle se manifeste par un syndrome de refux gastro-œsophagien (Sd de RGO) et/ou une dysphagie. L’œsophage est le segment digestif le plus frequemment atteint dans la sclerodermie (dans 75% des cas).

À la manometrie, on retrouve les signes suivants (fgure 6) :

    • une diminution de l’amplitude des contractions propagees dans les 2/3 inferieurs de l’œsophage ; elles sont parfois absentes, l’œsophage est alors atone (aperistaltisme) ;
    • le tonus de base du SIO est tres abaisse.
  1. Le refux gastro-œsophagien : il se manifeste le plus souvent par un pyrosis. La manometrie, quand elle est realisee, peut retrouver :
    • une diminution de la pression du SIO de l’ordre de 80%.
    • un trouble du peristaltisme œsophagien secondaire au refux : contractions faibles non propagees.
  2. Autre interet : la manometrie œsophagienne (MO) peut etre pratiquee dans le cadre d’un bilan pre-operatoire de certaines maladies fonctionnelles (tels que l’achalasie ou certains troubles de la continence gastro-œsophagienne). Les malades operes doivent obligatoirement etre controles par la MO afn d’evaluer l’efcacite du geste operatoire.

Figure 6 : Traces manometriques pouvant etre observes : chez le sujet normal et au cours des diferents troubles moteurs de l’œsophage.

III. La pHmetrie :

La valeur normale du pH dans le bas œsophage est de 5 a 7. Lorsque le contenu gastrique, souvent acide, refue dans l’œsophage, le pH de ce dernier baisse a moins de 5. C’est un examen couramment utilise, permettant la mesure du pH au niveau du bas œsophage.

  1. Technique : la determination du pH est realisee a l’aide d’une electrode a pH inseree par le nez ou la bouche (fgure 7) dans la portion distale de l’œsophage placee a 5 cm au-dessus du cardia chez un malade a jeun depuis au moins 12h en position de decubitus lateral gauche.
  2. Methodes : la pHmetrie classique de courte duree qu’elle soit breve ou des 3 heures a ete abandonnee au proft de la pHmetrie ambulatoire des 24h, qui respecte les conditions physiologiques du sujet chez qui elle est mesuree. Cette technique est realisee grace a un systeme miniature (enregistreur) porte a la ceinture recevant et enregistrant les informations provenant de la sonde de pHmetrie branchee soit directement soit par le systeme dit « Bravo » transmettant par voie d’ondes radio captees par des antennes lesquelles sont branchees a l’enregistreur (fgure 8). Ce dernier est analyse 24h apres grace a un logiciel specifque.

Figure 7 : Dispositif d’une pHmetrie Figure 8 : Systeme de pHmetrie telemetrique conventionnelle. sans fl dite systeme Bravo.

Ses avantages sont en rapport avec le respect des conditions physiologiques : sommeil, repas, jeun, et les diferentes positions (debout, assise, couchee), etc… Cette technique ne meconnait pas le refux.

  1. Indications : elles sont representees essentiellement par : le diagnostic d’un RGO atypique ; en cas de resistance d’un RGO au traitement medical ; avant et apres un traitement anti-refux chirurgical.
  2. Resultats (fgures 9 et 10) : normalement le pH a ce niveau est superieur a 5. Un refux acide est defni par la baisse du pH d’au moins 2 unites.

Figure 9 : Trace au cours d’une pHmetrie Figure 10 : Trace correlant le pH et chez le sujet sans refux et le sujet avec refux. les pressions du SIO et gastrique.

IV. L’impedancemetrie :

L’impedancemetrie endoluminale œsophagienne (IMP), est une nouvelle technique qui permet d’objectiver des remontees liquidiennes acides, alcalines et gazeuses.

  1. Principe : c’est l’etude de la conductivite electrique d’un micro-courant, ce qui permet de separer les bolus liquidiens des mouvements gazeux, et de diferencier les bolus anterogrades des bolus retrogrades (fgure 11). Un enregistrement simultane du pH œsophagien est efectue pour distinguer pour distinguer les refux liquidiens acides et alcalins.

Figure 11 : Representation schematique du fonctionnement de Figure 12 : Positionnement de la sonde de pHmetrie – l’impedancemetrie. Impedancemetrie dans l’œsophage.

  1. Technique : la sonde est introduite par voie nasale et placee a 2-3 cm au-dessus du cardia repere prealablement en endoscopie (fgure 12). L’enregistrement se fait en ambulatoire sur 24h.
  2. Indications : l’IMP est indiquee en cas de manifestations cliniques de RGO persistant malgre un traitement par les inhibiteurs de la pompe a proton (IPP) bien conduit.

V. La scintigraphie œsophagienne :

L’interet de cet examen reside dans l’etude du temps de transit de l’œsophage, et dans l’evaluation d’un RGO et la recherche d’une inhalation nocturne.

  1. Technique : l’evaluation du transit œsophagien consiste a faire ingurgiter au patient un solide ou un liquide marque par un radio-isotope (Sulfure de technetium), puis a efectuer un balayage au-dessus de la poitrine du patient a l’aide d’une γ-camera. Des programmes informatiques permettent de mesurer le temps de transit les tiers superieur, moyen et inferieur de l’œsophage. C’est une methode sensible de depistage qui permet de deceler une dysfonction motrice chez les patients presentant une dysphagie, meme si l’analyse ne donne pas d’information fable sur le type de trouble moteur en cause.

Pour l’evaluation quantitative d’un RGO, on fait avaler au patient un aliment marque a un radio-isotope, puis on efectue un balayage sur le thorax et en haut de l’abdomen. Des pesees sont placees sur l’abdomen pour augmenter la pression intra-abdominale.

  1. Resultats : en presence d’un refux, la gamma-camera detecte une remontee de l’isotope dans l’œsophage (fg 13).

Figure 13 : Image obtenue a la γ-camera chez un sujet presentant un refux.

  1. Avantages : cette technique ne necessite pas d’intubation. L’irradiation est minime voire negligeable.
  2. Inconvenients : le role de l’examen isotopique dans l’evaluation des patients atteints de RGO n’est toujours pas etabli, la sensibilite et la specifcite de l’examen etant relativement faibles. Cette technique necessite un equipement lourd. Elle ne diferencie pas le refux acide du refux alcalin. Elle est peu utilisee en pratique courante.

VI. Les tests de provocation :

A. Test de Bernstein : c’est un test psychophysiologique qui permet de verifer la sensibilite de l’œsophage a une perfusion acide intra-œsophagienne. À l’aide d’une sonde inseree dans la portion distale de l’œsophage, on instille successivement des solutions saline, acide et anti-acide sans en divulguer la teneur au patient au moment de leur administration. On demande alors au patient de decrire en detail ce qu’il ressent apres l’administration de chaque solution. C’est un test qui reproduit experimentalement les conditions d’un refux acide. Il permet de determiner si une douleur thoracique atypique ou une douleur epigastrique est secondaire a un refux acide.

  1. Indications : la principale indication est essentiellement representee par les douleurs thoraciques d’origine extracardiaque.
  2. Resultats : le test est considere comme positif lorsque le patient eprouve de la douleur a l’instillation de la solution acide et qu’il est soulage par celle de la solution anti-acide.

B. Test de distension au ballonnet : ce test permet de determiner le seuil de perception de la douleur d’origine œsophagienne en gonfant un ballonnet a l’interieur de l’œsophage. Mais sa sensibilite et sa specifcite sont mediocres.

Ce sont des tests d’orientation qui permettent de detecter des troubles sensitivomoteurs.

  1. Test diagnostic aux IPP :

C’est un test de realisation simple et non invasif. Il est considere positif lorsque les symptomes disparaissent. Ses specifcite et sensibilite sont d’environ de 80%. Son interet est d’ordre medico-economique, mais reste non encore valide par un consensus. Il peut etre une alternative a la pHmetrie lorsque celle-ci n’est pas disponible.

  1. Autres methodes d’exploration :
  2. Électromyographie (EMG) : c’est le moyen le plus direct d’etudier la contraction musculaire par enregistrement des potentiels electriques qui accompagnent la contraction. L’EMG peut etre utilisee dans les segments du tube digestif ou la musculature est striee (pharynx, œsophage proximal, sphincter anal). L’activite enregistree par une electrode induite dans la couche musculaire qu’on desire etudier. Cette activite comporte deux phenomenes :
    • Ondes electriques : depolarisation periodique des cellules musculaires lisses ;
    • Potentiel d’activite survenant en boufees au moment de la phase de depolarisation relative des cellules musculaires.
  3. Methodes radio-electriques : les ondes electromagnetiques sont transmises grace a un emetteur migrateur mis en place dans l’œsophage. Ces ondes sont enregistrees per une antenne receptrice. Mais la technique est peu utilisee en pratique courante et n’est reservee qu’a certains centres experts et de recherche clinique.

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