polycopié officiel 2019/2020

Université d’Alger

Faculté de Médecine

Enseignement d’Anatomie Pathologique générale

3 éme Année de Médecine

Année Universitaire 2019-2020

Processus cancéreux .

F. TERKMANI, K. MOKKEDEM

Responsables du module :

R. BABA-AHMED N. DJENNANE

Plan

I- Introduction II- Notion de l’homéostasie

2.1 Signalisation de la prolifération

2.2 Cycle cellulaire 2.3 La sénescence

III- Les principes de l’oncogenèse

3.1 Les oncogènes

3.2 Les gènes suppresseurs 3.3 La résistance à la mort cellulaire 3.4 L’immortalité : Télomère et télomérase

IV- Les différentes phases du processus cancéreux

  1. Les caractéristiques du tissu tumoral 5.1 Modifications fonctionnelles et morphologiques 5.2 Stroma tumoral

5.3 Cancer et angiogenèse 5.4 Immunité et cancer

  1. Le cancer métastatique
  2. Classification tumorale VIII- Conclusion

 

 

I- Introduction

 

1-1 Etymologie

Le terme de tumeur provient de « tumor », qui en latin signifie gonflement. Il s’agissait d’une désignation macroscopique, qui est obsolète. La définition actuelle d’une tumeur est du domaine de la microscopie = le caractère tumoral du tissu n’est identifiable qu’au microscope.

Une tuméfaction, un polype sont des termes de macroscopie et peuvent être d’origine tumorale ou non (inflammatoire, dysembryoplasique, vasculaire).

 

1-2 Définitions

La cellule cancéreuse :

Cellule anormale dotée d’un pouvoir de multiplication anarchique, indéfini, illimité, ayant tendance à envahir et à détruire les tissus avoisinants, échappant ainsi à la loi de l’homéostasie tissulaire qui régule la relation des cellules entre elles.

Ses caractéristiques à la fois morphologiques et fonctionnelles lui permettant de se distinguer de la cellule normale homologue, sont liées à la succession ou l’accumulation d’anomalies moléculaires dans le génome cellulaire. La cellule cancéreuse constitue le point de départ d’un cancer.

 

Le cancer :

Prolifération cellulaire anormale, anarchique, échappant aux lois de l’homéostasie tissulaire, il est souvent d’origine monoclonale, il s’agit d’un processus irréversible au cours duquel la cellule transmet ses anomalies à sa descendance formant un clone cellulaire, ce clone va devenir autonome et progresser avec la maladie cancéreuse.

 

La carcinogenèse :

Processus complexe qui aboutit à la transformation d’une cellule normale en une cellule maligne suite à des événements génétiques aléatoires au cours desquels la cellule accumule des anomalies génétiques.

 

 

II- Notion d’homéostasie

Les tissus adultes sont le résultat de la multiplication, de la résorption (par apoptose), et de la spécification des cellules primitives lors du développement. Un tissu adulte comporte des cellules différenciées (fonctionnelles) et des cellules indifférenciées (cellules de réserve). Les cellules différenciées ont une durée de vie limitée et doivent donc être remplacées, il s’agit du renouvellement tissulaire.

Schématiquement :

Certaines cellules indifférenciées sont engagées dans la différenciation au fur et à mesure des besoins en cellules différenciées. Les cellules indifférenciées se divisent par mitose de façon à assurer une réserve suffisante de cellules souches. De cette manière, les tissus se renouvellent et se reconstituent tout en s’adaptant aux besoins se qui réalise l’homéostasie tissulaire.

La capacité principale des cellules cancéreuses est de proliférer fortement et de manière autonome, sans dépendre des communications qui régulent normalement la prolifération cellulaire. Elles ne respectent plus l’équilibre du tissu dont elles font partie. Cette prolifération incontrôlée et surstimulée fait émerger un nouveau tissu de structure anarchique : le tissu tumoral.

 

2-1 Signalisation de la prolifération

Une cellule normale ne prolifère que si elle reçoit les signaux de prolifération adéquats.

Une cellule peut recevoir différents types de signaux en provenance d’autres cellules qui activent sa prolifération. Les facteurs de croissance portent des signaux, par exemple le facteur de croissance épithélial EGF (Epithelial Growth Factor) qui active la prolifération des cellules épithéliales (Figure 1).

L’EGF est une protéine extracellulaire qui représente un signal de prolifération. Elle se lie à son récepteur présent à la surface des cellules épithéliales, l’EGFR (récepteur de l’EGF). Cette liaison active l’EGFR qui déclenche dans la cellule une cascade d’activations en chaîne de plusieurs protéines signalisatrices. Ces protéines s’organisent en une voie de signalisation de la prolifération appelée voie mitogène. La signalisation parvient jusqu’au noyau de la cellule où se trouve le génome. L’expression des gènes de la prolifération cellulaire sont ainsi activés par la voie mitogène. Les protéines qui orchestrent la prolifération cellulaire sont synthétisées: la cellule se multiplie en réponse au signal de prolifération porté par l’EGF.

Figure 1: Signalisation de la prolifération cellulaire. En se fixant à son récepteur, l’EGF entraîne l’activation d’une cascade de signalisations, appelée voie mitogène, qui aboutit à la synthèse de protéines engendrant la prolifération cellulaire. « Grégory Ségala »

 

 

2-2 Cycle cellulaire

La prolifération est contrôlée au niveau du cycle cellulaire qui représente l’ensemble des étapes que doit effectuer une cellule pour générer deux cellules filles.

Le contrôle de la prolifération s’effectue au cours du cycle cellulaire (Figure 2). Le cycle cellulaire regroupe les différentes phases qui permettent à une cellule de générer deux cellules filles :

 

  • la première phase du cycle, la phase G1, est une phase de croissance cellulaire où la cellule accroît sa taille ;
  • ensuite une phase de duplication de l’ADN se met en place, c’est la phase S ;
  • la cellule finalise la duplication de l’ADN ainsi que la croissance cellulaire en phase G2 ;
  • elle entre alors dans la dernière phase du cycle cellulaire, la phase M, qui correspond à la division cellulaire qui génère deux cellules filles.

Ces cellules peuvent chacune recommencer un cycle cellulaire si les signaux de prolifération le permettent. Le déroulement du cycle cellulaire est vérifié au niveau de points de contrôle placés pendant les phases du cycle cellulaire. Ils déterminent si le cycle cellulaire peut progresser au sein d’une phase ou s’il peut passer à la phase suivante.

 

Figure 2 : Le cycle cellulaire

Durant la phase G1, les signaux de prolifération désactivent la protéine Rb ce qui permet de lever le point de restriction du cycle cellulaire. La cellule entre en phase S où elle duplique son génome. Ensuite elle entre en phase G2 où elle se prépare à se diviser et enfin elle termine son cycle cellulaire par la phase M qui correspond à la division cellulaire. « Grégory Ségala »

 

Le premier point de contrôle du cycle cellulaire, le point de restriction, se situe en phase G1 et décide si un nouveau cycle cellulaire doit être lancé par la cellule (Figure 2). La protéine gardienne du point de restriction est la protéine Rb. Elle détecte si les signaux de prolifération reçus par la cellule justifient par leur intensité l’initiation d’un cycle cellulaire. Si les signaux de prolifération sont suffisamment intenses, ils inactivent Rb, ce qui permet l’expression des gènes de la prolifération et par conséquent l’entrée de la cellule dans un nouveau cycle cellulaire.

Après l’inactivation de Rb, la cellule entre en phase S qui correspond à la phase de duplication de l’ADN. Pendant cette phase, le génome est dupliqué c’est-àdire qu’il est copié par le système de réplication de l’ADN pour qu’il y ait deux copies du génome dans la cellule mère. La cellule mère pourra ainsi donner naissance à deux cellules filles qui posséderont chacune une copie du génome. Le point de contrôle de la phase S est activé lorsque des dommages de l’ADN sont détectés ou lorsque le système de réplication de l’ADN est bloqué. L’activation du point de contrôle arrête temporairement le cycle cellulaire. Il n’est désactivé que lorsque les anomalies détectées sont résolues, ce qui autorise la reprise du cycle.

En phase G2, la cellule finalise la duplication du génome et répare les derniers dommages éventuellement présents sur l’ADN, ce qui est vérifié par le point de contrôle de la transition entre la phase G2 et la phase M (point de contrôle G2/M). Une fois la duplication et la réparation de l’ADN terminées, le point de contrôle G2/M est inactivé et la cellule entre en phase M. Les deux copies du génome de la cellule mère sont séparées pour former le noyau de chaque cellule fille. Enfin, la cellule mère se scinde progressivement en son centre pour finalement donner naissance à deux cellules filles qui reviennent chacune en phase G1.

2-3 La sénescence

La sénescence est un mécanisme naturel de défense contre les cellules qui bénéficient d’une stimulation de la prolifération anormalement élevée. La sénescence verrouille définitivement le point de restriction qui ne peut plus être inactivé par les signaux de prolifération. La cellule sénescente ne peut définitivement plus proliférer.

Pour éviter la sénescence, les cellules cancéreuses peuvent avoir recours à plusieurs solutions : générer des signaux de prolifération justement dosés pour inactiver le point de restriction mais ne pas activer la sénescence, ou bénéficier de mutations inactivant les gènes de la sénescence. Les gènes suppresseurs de tumeurs p16 et p53 déclenchent la sénescence lorsque la prolifération cellulaire est trop intense. Le gène p53 est inactivé dans la plupart des cancers et l’inactivation de p16 est retrouvée dans de nombreux mélanomes.

 

III- Les principes de l’oncogenèse

3-1 Les proto oncogènes et oncogènes

  • Le proto oncogène : gène présent à l’état normal, c’est un régulateur de la croissance et de la différenciation cellulaire normale.
  • L’oncogène : c’est tout gène auquel une anomalie qualitative ou quantitative lui confère la propriété de transformer une cellule normale en une cellule maligne. Un oncogène activé exerce sa fonction de manière exagérée comme par exemple une stimulation permanente de la prolifération cellulaire.

Mécanismes d’activation des oncogènes :

a- Mécanismes génétiques :

Responsable de déconnection de son environnement cellulaire normal et sa mise en contact avec d’autres séquences d’où une expression anormale, ceci se produit soit Par juxtaposition d’un oncogène avec la région régulatrice d’un autre gène soit

Par fusion de régions codantes de deux gènes entraînant un gène de fusion avec production d’une protéine de fusion.

 

Correspond à la multiplication du nombre de copies d’un gène, la région du gène amplifiée contient plus d’informations que le gène concerné, il en résulte une augmentation de son expression.

 

Souvent ponctuelle dans la région codante (substitution d’un acide aminé par un autre).

 

mécanismes épigénétiques :

L’hyperactivité de l’oncogène n’est pas due à une altération intrinsèque du gène, mais à des mécanismes indirects :

Anomalies de la méthylation de l’ADN codant pour les séquences régulatrices de ces gènes, l’hypo ou l’hyper méthylation des gènes peut modifier leur transcription alors que la séquence de l’ADN est normale.

 

  1. Intégration virale :

Elle se fait dans le génome de la cellule infectée, ex: HPV 16-18 retrouvé dans le cancer du col utérin.

 

3-2 Les gènes suppresseurs

Les gènes suppresseurs de tumeurs sont des garde-fous qui empêchent la dérive d’une cellule vers la malignité. C’est la raison pour laquelle de nombreux gènes suppresseurs de tumeurs sont inactivés dans les cancers. Les gènes suppresseurs de tumeurs agissent soit en inhibant des mécanismes qui favorisent l’oncogenèse, soit en activant des mécanismes qui empêchent l’oncogenèse. Au cours du cycle cellulaire, le gène suppresseur de tumeur Rb est la dernière barrière s’opposant à une prolifération incontrôlée mais d’autres barrières existent en amont de Rb, dans les voies mitogènes. Ces voies de signalisation sont composées de nombreuses protéines-relais qui transmettent le signal entre l’émetteur (le facteur de croissance) et le récepteur final de ce signal (la protéine Rb). Des gènes suppresseurs de tumeurs contrôlent certains de ces relais de signalisation en les inhibant, ce qui a pour conséquence d’inhiber la voie de signalisation de la prolifération.

Parmi ces gènes, on compte par exemple le gène suppresseur de tumeurs PTEN

qui inhibe l’oncogène Akt dans la voie de signalisation de l’EGF (Fig. 6). Les gènes suppresseurs de tumeurs sont inactivés au cours de l’oncogenèse.

 

Figure 6 : Mode d’action schématique du gène suppresseur de tumeurs PTEN.

En l’absence de contrôle par PTEN, Akt active intensément la prolifération cellulaire lorsqu’elle est stimulée par l’EGF. Si PTEN exerce son contrôle sur Akt, la prolifération cellulaire est modérée. « Grégory Ségala »

 

3-3 La résistance à la mort cellulaire

Au cours de sa vie, une cellule peut connaître des situations stressantes comme un faible taux d’oxygène. Elle peut aussi subir des dégâts comme des dommages sur son ADN Lorsqu’elle peut résoudre ces problèmes, la cellule

continue à vivre. Cependant, si la cellule est trop stressée ou trop endommagée, elle déclenche l’apoptose.

Ce mécanisme naturel permet d’éviter que la cellule meure spontanément en se lysant à cause du stress qu’elle endure ou à cause des dommages qu’elle a subi. En effet, la lyse d’une cellule endommagée n’est pas souhaitable puisque le contenu de la cellule rentre en contact avec le tissu environnant et peut le contaminer avec ce qui a tué la cellule, ce qui est évité grâce à l’apoptose. L’apoptose permet ainsi de se débarrasser des cellules endommagées ou fortement mutées qui peut menacer le tissu ou même l’organisme tout entier. La vie d’une cellule dépend d’un équilibre entre des facteurs moléculaires qui favorisent la survie cellulaire et des facteurs moléculaires qui provoquent la mort cellulaire (Figure 7).

Par exemple, les signaux de prolifération stimulent la survie cellulaire en augmentant la quantité de facteurs de survie comme la protéine Bcl-2, alors que des dommages importants de l’ADN peuvent provoquer la mort de la cellule en augmentant la quantité de facteurs de mort comme la protéine Bax. Lorsque les facteurs de mort sont plus nombreux que les facteurs de survie, la cellule déclenche sa propre mort par apoptose qui est une mort cellulaire programmée (Figure 8).

 

 

Figure 7. Équilibre d’une cellule entre la vie et la mort.

La prolifération cellulaire augmente la quantité de facteurs de survie comme la protéine Bcl-2. Des

événements néfastes pour la cellule tels que des dommages sur l’ADN augmentent la quantité de facteurs de mort ce qui fait pencher la balance vers la mort cellulaire. « Grégory Ségala »

Figure 8. L’apoptose.

Si la balance penche en faveur de la mort cellulaire, la cellule déclenche l’apoptose : son noyau se

fragmente et la cellule se fractionne en petites

vésicules qui seront captées et éliminées par des

macrophages. « Grégory Ségala »

L’apoptose conduit à la fragmentation du noyau et à la déstructuration du squelette cellulaire. La cellule se fragmente en petites vésicules qui peuvent ensuite être éliminées par les macrophages.

Les cellules cancéreuses peuvent donc bénéficier d’une part d’une forte prolifération et d’autre part d’une résistance accrue à la mort cellulaire. La protéine p53 est capable d’induire l’apoptose des cellules qui présentent trop d’anomalies ou de stress. Par conséquent, l’inactivation de p53 confère aux cellules cancéreuses un fort avantage de survie. D’autres protéines qui déclenchent l’apoptose sont inactivées ou leur expression est diminuée dans les cellules cancéreuses pour augmenter leur capacité à survivre face aux stress et aux dommages qu’elles subissent en permanence.

 

3-4 L’immortalité : Télomère et télomérase

La réplication de l’ADN de la cellule doit se faire intégralement pour que les cellules filles héritent de la totalité de l’information génétique. Cependant, lors de la terminaison de la réplication aux extrémités des chromosomes, le système de réplication est incapable de recopier le bout du chromosome. Afin que l’information génétique ne soit pas perdue par cette limitation du système de réplication, les chromosomes possèdent à leurs extrémités des séquences d’ADN répétées qui ne contiennent aucune information génétique essentielle à la cellule : ce sont les télomères (Figure 9).

 

Figure 9 : Les télomères, représentés ici en rose, sont présents aux extrémités de tous les chromosomes

« Spectracell Laboratories »

 

À chaque cycle cellulaire, les télomères se raccourcissent un peu plus (Figure 10). Au bout d’un certain nombre de cycles cellulaires, les télomères sont tellement raccourcis qu’il y a un risque de perte de l’information génétique. La cellule entre en crise télomérique, deux issues sont possibles : soit la cellule entre en senescence ce qui bloque définitivement sa capacité à proliférer, soit elle déclenche sa mort programmée par apoptose. Par conséquent, le nombre de cycles cellulaires est limité par la longueur des télomères.

Pour proliférer sans limite, les cellules cancéreuses doivent donc déjouer cette barrière imposée par le raccourcissement des télomères en utilisant une protéine qui est la télomérase capable d’allonger ces télomères (Figure 10). Les cellules qui expriment cette protéine sont dites immortelles dans le sens où elles peuvent proliférer sans être restreintes à un nombre limité de divisions cellulaires. . La télomérase est exprimée dans environ 90 % des cancers. Parmi les cancers où la télomérase n’est pas exprimée, les cellules cancéreuses utilisent des mécanismes complexes d’allongement des télomères qui leur permettent de déjouer le raccourcissement des télomères.

Figure 10. Évolution des télomères.

Au cours de divisions cellulaires successives, les télomères (en rouge) se raccourcissent progressivement jusqu’à atteindre une taille critique : c’est la cr ise télomérique qui conduit à la sénescence ou à l’apoptose. Si la cellule exprime la télomérase, elle régénère ses télomères et peut se diviser de façon illimitée. « Grégory Ségala »

 

 

IV- Les différentes phases du processus cancéreux

Le processus cancéreux évolue en 04 phases :

Phase d’initiation

Au cours de cette phase s’observe des modifications du patrimoine génétique (mutationtranslocationamplification génétique…) ce qui conduit à une capacité accrue de division

Phase de promotion

Les cellules cancéreuses échappent au mécanisme de réparation génétique et aux réactions de rejet de l’organisme. Les cellules initiées se divisent plus rapidement que les autres cellules donnant ainsi des lésions à type d’hyperplasie et de dysplasie

Phase de croissance tumorale ou progression

Les cellules se divisent anarchiquement et présentent un aspect anormal aboutissant ainsi à un carcinome in situ et par la suite à un cancer infiltrant

Phase de dissémination tumorale ou métastase

Les cellules cancéreuses deviennent invasives et se détachent du foyer d’origine donnant des métastases

Ø Stades précancéreux

L’oncogenèse est initiée lorsqu’une cellule normale subit une ou plusieurs mutations (Figure 11). La cellule transformée prolifère alors de manière exagérée, faisant apparaître un tissu ayant un nombre anormalement élevé de cellule mais de morphologie normale. Cet état tissulaire s’appelle l’hyperplasie.

Figure 11. Les stades précancéreux de l’oncogenèse.

Après avoir subi une mutation qui initie l’oncogenèse, une cellule épithéliale devient une cellule transformée qui prolifère et génère une hyperplasie. Si les cellules progressent continuellement dans l’oncogenèse, elles provoquent une dysplasie puis un carcinome in situ. « Grégory Ségala »

Si les cellules transformées progressent dans l’oncogenèse, elles aboutissent à une dysplasie. À ce stade, les cellules ont perdu une partie des caractéristiques propres à la cellule saine dont elles proviennent : leur morphologie est changée, elles sont plus indifférenciées, prolifèrent plus ce qui témoigne d’une perte partielle ou totale de leur fonction au sein de l’organisme.

Le dernier stade précancéreux est le carcinome in situ dont les caractéristiques sont ceux d’un cancer mais dont la membrane basale n’est pas franchie par la tumeur

Ø Stades cancéreux

Lorsque la tumeur rompt la membrane basale, le carcinome devient invasif. (Figure 12). Les cellules cancéreuses envahissent le mésenchyme où elles sont à proximité des vaisseaux sanguins et lymphatiques.

Le dernier stade cancéreux est le cancer métastatique: les cellules cancéreuses ont acquis la capacité à pénétrer dans la circulation sanguine et lymphatique et d’atteindre par ce moyen de transport de nouveaux organes qu’elles vont à leur tour envahir.

Figure 12. Les stades cancéreux de l’oncogenèse.

Au moment où la tumeur rompt la membrane basale, le carcinome invasif est atteint et le cancer est déclaré. Le cancer peut évoluer jusqu’au stade final de l’oncogenèse, qui est le cancer métastatique.

V. Les caractéristiques du tissu tumoral

Le tissu tumoral est composé de:

  1. Cellules tumorales: ceux sont des cellules prolifératives anormales.
  2. Stroma tumoral: constitué de cellules et de substances extracellulaires qui accompagnent les cellules tumorales.

5-1 Les modifications fonctionnelles et morphologiques

La cellule cancéreuse se caractérise par:

Ø Des modifications des caractéristiques de prolifération, de différenciation, de sénescence et d’apoptose se traduisant par:

  • Un échappement aux points de contrôles du cycle cellulaire
  • Une insensibilité aux signaux antiprolifératifs
  • Une résistance à l’apoptose
  • Une prolifération illimitée (perte de la sénescence)

 

  • Un dysfonctionnement des systèmes de réparation des altérations de l’ADN
  • Une capacité à induire l’angiogénèse
  • Une capacité d’invasion tissulaire et diffusion métastatique
  • Des modifications caryotypiques : anomalies chromosomiques La cellule cancéreuse:

Présente des modifications morphologiques: Visibles lors d’analyses cytologiques ou histologiques:

5.2. Le stroma tumoral

Le stroma est un tissu conjonctivo-vasculaire néoformé, non tumoral élaboré par l’hôte sous l’influence de cellules cancéreuses (matrice extra cellulaire+ compartiment cellulaire+ vaisseaux) ayant pour rôle :

  • Mécanique, support
  • Oxygénation et nutrition
  • Contrôle de différenciation prolifération, adhésion et migration
  • Interface tumeur/ cellules immunitaires Les variations du stroma:

1. Variation quantitative selon l’abondance

• Mise en évidence

• Importance: consistance

2. Variation qualitative: permet d’orienter le diagnostic ü organoïde: adaptatif analogue au tissu conjonctif normal de l’organe ex: tumeur neuroendocrine

ü Inflammatoire: défense

  • Exsudative avec PNN: infection du cancer superficiel
  • Lympho plasmocytaire: réaction de défense immunitaire • Granulomateuse: certaines tumeurs (séminome)

ü Stroma remanié: hyalin mucoïde dans le cylindrome

 

5.3. Cancer et angiogenèse

Les étapes de l’angiogenèse (fig. 13)

    1. Bourgeonnement: Une prolifération de cellules endothéliales à la face externe des capillaires sous forme de petites masses avec formation de bourgeon pleins se creusant de lumière.
    2. Migration: Un allongement des bourgeons qui migrent de façon orientée vers le foyer tumoral (action d’enzyme protéolytique élaborées par les cellules endothéliales et expression d’intégrine).
    3. Organisation: Une structuration des bourgeons en un réseau capillaire fonctionnel.
    4. Remodelage: Une adaptation permanente du réseau vasculaire aux besoins du foyer tumoral.

 

Fig.13 : Les étapes de l’angiogenèse

 

 

5.4. Immunité et cancer:

La découverte de l’immunité anti tumorale, a débuté au XIXe siècle, lorsqu’un chirurgien du Memorial Hospital de New York, William Coley, a constaté des régressions de tumeur chez des malades qui développaient parallèlement un épisode infectieux.

Les défenses cellulaires anti tumorales sont assurées essentiellement par :

  • les lymphocytes T cytotoxiques CD8 : interviennent en réponse à des Ag de surface reconnus comme étrangère (Antigènes spécifiques de certaines tumeurs, Ag viraux, molécules du CMH modifiées) présentés en association avec les molécules de classe I du CMH (complexe majeur d’histocompatibilité) ;
  • le lymphocyte natural killer (NK) responsable d’une cytotoxicité directe non restreinte par le CMH.

Les mécanismes d’échappement de la réponse immunitaire anti-tumorale sont nombreux:

VI. Cancer métastatique

  1. Définition de métastase (ou tumeur secondaire) : c’est un développement de nouveaux foyers tumoraux à distance du foyer initial (tumeur primitive), de même nature qu’elle, et sans relation de contiguïté avec elle (la croissance est autonome, indépendante de celle de la tumeur primitive)

 

  1. Étapes de la dissémination métastatique: (fig.14) Depuis le foyer tumoral initial, les cellules cancéreuses subissent ces différentes étapes:
  2. Un détachement cellulaire et invasion de la matrice extracellulaire.
  3. Une intravasation : passage dans la circulation.
  4. Une survie dans la circulation.
  5. Une Extravasation.
  6. Une survie et prolifération dans un site secondaire.

 

fig.14 : Étapes de la dissémination métastatique

 

3. Voies de dissémination:

  1. Extension lymphatique: la voie la plus fréquente de dissémination des carcinomes.
  2. Extension hématogène.
  3. Diffusion par des cavités naturelles de l’organisme (séreuses, bronches, voies urinaires, canaux biliaires, canal rachidien…). Ex: extension péritonéale d’un carcinome ovarien.
  4. Extension lymphatique

Les cancers les plus lymphophiles sont les carcinomes, en particulier les cancers du sein, de la thyroïde, du col utérin, et les mélanomes mais cette voie peut se rencontrer également au cours des sarcomes.

La métastase ganglionnaire se fait selon le drainage ganglionnaire normal de la région atteinte. Exemple : ganglions axillaires pour un carcinome mammaire. La présence d’un ganglion sus-claviculaire gauche (ganglion de Troisier), dernier relais avant la circulation générale, et qui signe ainsi une diffusion prochaine a tout l’organisme du processus cancéreux.

La lymphangite carcinomateuse est une dissémination abondante et diffuse de cellules malignes dans les capillaires lymphatiques d’un organe entier (souvent le poumon).

 

Type de migration Tumeur primitive Voie de dissémination Métastases
Porte Digestive

(colon, estomac)

Système porte foie
Hépatique foie Veines sushépatiques, cœur droit, poumons poumons
Cave ORL, sein, thyroïde. Utérus, ovaire, testicule Cave sup, cœur droit, poumons

Cave inferieur, cœur droit,

poumons

poumons
Pulmonaire Poumon Veines pulmonaires, cœur gauche, grande

circulation

Ubiquitaire: os, foie, encéphale.

 

 

  1. Extension hématogène

Après passage des cellules cancéreuses par la voie lymphatique ou directement par effraction de la paroi vasculaire sanguine, facile pour les vaisseaux du stroma à paroi mince (sarcomes).

La diffusion par voie sanguine est commune aux sarcomes, aux carcinomes et aux mélanomes.

 

Une masse tumorale unique évoque une tumeur primitive et la présence de nodules tumoraux multiples dans le poumon ou le foie (Fig 15) est un argument macroscopique en faveur de métastases.

 

Fig.15 métastase hépatique : multiples nodules tumoraux

  • Aspect microscopique des métastases
  • L’aspect morphologique peut être identique, moins différencié voire dédifférencié par rapport à la tumeur primitive.
  • La localisation, l’analyse histologique et l’étude immunohistochimique peuvent orienter la recherche de la tumeur primitive, si la métastase est révélatrice: ex: l’expression de la PSA dans une métastase osseuse d’un adénocarcinome est en faveur d’une origine prostatique.

 

VII Classification tumorale:

Se base sur le Type histologique +/- grade, l’envahissement local, à distance et l’état général des patients.

Ces classifications ont un intérêt pronostic:

  • Guider les protocoles thérapeutiques.
  • Comparer les résultats entre des groupes homogènes de patients De nombreuses classifications sont proposées:
  1. Classifications histologiques de l’organisation mondiale de la santé des tumeurs (OMS): En fonction du type histologique et des différents organes.
  2. Stade TNM: T pour tumeur, N pour ganglion (node) et M pour métastase.
  3. En fonction du degré de différenciation : Plus le grade est élevé, plus la tumeur est agressive

 

4. Classification histo-pronostique:

 

VII. Conclusion:

Une meilleure connaissance du déroulement du processus cancéreux permettra une prise en charge thérapeutique adéquate, ainsi les indications variant de la chirurgie à la radiothérapie, chimiothérapie et hormonothérapie voire les thérapies innovantes comme l’immunothérapie et les thérapeutiques ciblées.

 

 

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