Précis de sémiologie

L’étude sémiologique de l’appareil locomoteur repose sur l’interrogatoire, l’examen clinique des os et des articulations et l’examen radiologique.

I.L’INTERROGATOIRE

Il permettra de retrouver un signe fonctionnel fondamental, la notion de douleur :

douleur des membres et douleurs vertébrales associées ou non à une limitation des mouvements.

1.Les douleurs des membres

Elles peuvent être en rapport avec :

1.1Une anomalie articulaire : douleur articulaire

— Soit douleur articulaire isolée sans signes physiques de souffrance articulaire associés : il s’agit d’une arthralgie.

1.2Une anomalie osseuse : douleur osseuse

  • Douleur observée au cours des fractures.
  • Douleur accompagnant une infection osseuse au cours de l’ostéomyélite aiguë.
  • Douleur associée à une tumeur osseuse : il s’agit le plus souvent alors d’une tumeur maligne.

1.3Une anomalie neurologique : douleur neurologique ou névralgie

  • Douleur accompagnant l’atteinte d’un tronc nerveux dont la topographie correspond à ta distribution sensitive de ce nerf.
  • Douleur radiculaire, exemple : névralgie sciatique dont le trajet suit celui de la racine mais dont la cause est en fait vertébrale.

1.4Une anomalie vasculaire : douleur vasculaire (voir sémiologie vasculaire).

1.5Une anomalie à distance des membres, il s’agit d’une douleur rapportée : exemple : douleur localisée au membre supérieur gauche le long de son bord interne au cours de l’angine de poitrine ; douleur des deux membres supérieurs lors de l’infarctus du myocarde.

2.Les douleurs vertébrales ou douleurs du dos

Elles sont très fréquentes, elles peuvent siéger au niveau du rachis cervical, dorsal ou lombaire. Les douleurs les plus fréquentes sont les douleurs lombaires ou lombalgies. Les lombalgies peuvent être dues à plusieurs mécanismes :

— Douleur due à une irritation des terminaisons nerveuses au niveau du rachis lombaire réalisant la lombalgie pure.

—Douleur due à une compression d’une racine à l’intérieur du canal rachidien réalisant la douleur radiculaire.

—Douleur en rapport avec une atteinte d’un viscère à distance, il s’agit d’une douleur rapportée.

— Douleur sans cause décelable

2.1La lombalgie pure : elle réalise une douleur aiguë, permanente, diffuse, prédominant au niveau de la zone atteinte, variable avec les mouvements; augmentée par la pression de la zone atteinte et s’accompagnant d’une contracture musculaire, elle peut s’accompagner d’une douleur à distance : au niveau de la face antérieure des cuisses et des jambes en cas de lésion lombaire haute; au niveau de la face postérieure des cuisses et des jambes en cas de lésion lombaire basse.

La cause la plus fréquente est la hernie discale à son stade de début : stade de protrusion discale sans hernie vraie (fig. 1 -1) ; les autres causes sont plus rares : ce sont les spondylites infectieuses (tuberculose, staphylococcie, salmonnellose), les affections rhumatismales de la colonne vertébrale : spondylarthrite ankylosante et l’arthrose vertébrale; dans ce cas la lombalgie s’accompagne d’une raideur vertébrale.

2.2La douleur radiculaire

2.2.1-Caractères communs : il s’agit d’une douleur aiguë, très intense; irradiant au rachis lombaire suivant le trajet de la racine au niveau du membre inférieur {ce trajet va permettre de reconnaître la racine atteinte) ; cette douleur est augmentée par les manœuvres qui élèvent la pression du LCR (toux, défécation et effort) et par les manœuvres d’étirement de la racine.

2.2.2-Caractères particuliers : suivant la racine intéressée, on distingue :

a)La sciatique de type L5 : la douleur partant du point d’émergence de la racine L5 va suivre le trajet suivant : fesse, face postérieure de la cuisse, face externe de la jambe, face dorsale du pied et premiers orteils.

b)La sciatique de type SI : la douleur partant du point d’émergence de la racine S1 va suivre le trajet suivant : fesse, face postérieure de la cuisse, face postérieure de la jambe, talon, bord externe du pied et derniers orteils.

La sciatique de type SI s’accompagne d’une abolition du réflexe achiléen. Le signe commun à ces deux types de sciatique est l’accentuation de la douleur par la manœuvre de Lasègue qui consiste, sur le malade en décubitus dorsal, à fléchir le membre inférieur étendu sur le bassin (fig. 2).

c)La névralgie crurale : est une douleur radiculaire en rapport avec une souffrance de la racine L4 ; elle se manifeste par une douleur débutant au point d’émergence de la racine L4 et va suivre le trajet suivant : face antérieure de la cuisse, face antérieure du genou et face interne de la jambe.

La douleur est augmentée par la manœuvre de Lasègue inverse qui consiste, sur le malade en décubitus ventral, à pratiquer une hyper-extension de la cuisse sur le bassin (fig.3).

La cause la plus fréquente de douleur radiculaire est la hernie discale avec protrusion discale qui se latéralisé et vient comprimer la racine L5 (hernie du disque L4-L5), la racine SI (hernie du disque L5-S1), la racine L4 (hernie du disque L3-L4) (fig. 1-2).

 

 

2.3La douleur rapportée : est une lombalgie en rapport avec une atteinte soit de l’appareil uro-génital, soit de l’appareil digestif : ulcère, pancréatite, pathologie colique.

2.4Lombalgie d’origine psychique : souvent déclenchée par un surmenage physique ou psychique.

II.L’EXAMEN CLINIQUE

Il consiste à apprécier la démarche, à examiner les membres et le rachis, afin de rechercher des anomalies.

1.La démarche

L’examen clinique de l’appareil locomoteur doit toujours débuter par l’étude de la démarche.

1.1 A l’état normal : la démarche est régulière, rythmée et souple.

1.2 Les démarches pathologiques

1.2.1-La claudication ou boiterie est un signe qui permet de dépister une anomalie de l’appareil locomoteur. On parle de claudication lorsque la démarche devient irrégulière. Elle peut être due :

  • Soit à une douleur qui entraîne une diminution de la période d’appui du côté du membre douloureux.
  • Soit à un raccourcissement d’un membre.
  • Soit à une réduction de la mobilité d’une articulation par anomalie de la capsule, des ligaments ou des tendons.

1.2.2-La démarche peut être anormale en cas d’atteinte neurologique.

2.L’examen des membres

Il aura trois objectifs : la recherche de déformations, les mensurations des membres et l’étude des articulations.

2.1 Recherche de déformations qui peuvent être récentes ou anciennes.

2.1.1-Déformation post-traumatique récente en cas de fracture : il s’agit d’un malade qui lors d’un traumatisme d’un membre a présenté une douleur intense avec impotence fonctionnelle complète.

  • A l’inspection : l’attitude du sujet est caractéristique : il soutient son membre blessé, l’avant-bras fléchi sur le bras avec la main du côté indemne en cas de fracture du membre supérieur; s’il s’agit d’une fracture du membre inférieur, le sujet est allongé et l’on constate d’emblée une déformation avec perte de l’axe normal du membre et un raccourcissement du membre atteint. L’aspect des téguments est caractéristique : on note un gonflement de la région et souvent la présence d’ecchymoses et de phlyctènes.
  • La palpation : permet de mettre en évidence l’œdème de la région et une douleur exquise provoquée qui permet de préciser le siège du trait de fracture. On ne recherchera pas la mobilité anormale.

L’examen clinique devra toujours rechercher des signes de choc : pouls : rapide, petit, chute de la tension artérielle, tendance à l’hypothermie.

La radiographie du membre permettra de préciser le trait de fracture et l’importance des déplacements.

2.1.2-Déformation post-traumatique ancienne en cas de fracture mal traitée : déformation

«en crosse» à convexité antéro-externe dans certaines fractures du fémur; en « recurvatum » à convexité antéro-interne dans les fractures de jambes. Ces déformations se voient lorsque la réduction de la fracture a été insuffisante et elles s’accompagnent d’un raccourcissement du membre.

2.1.3-Les autres déformations :

— Déformation en varus : qui est une déviation anormale du membre vers la ligne médiane (en dedans) : exemple : pied varus (fig. 4).

  • Déformation en valgus : qui est une déviation anormale du membre à l’opposé de la ligne médiane (en dehors) : exemple : pied valgus (fig. 5).
  • Déformation en équin : est une déformation qui fait que le pied pointe vers le bas, il n’est plus à angle droit sur la jambe (fig. 6).
  • Déformation en talus : est une déformation qui fait que le pied pointe vers le haut et le talon repose sur le sol par sa partie la plus distale (fig. 7).
  • Le pied bot : qui peut être congénital ou acquis notamment après un traumatisme, est une déformation qui est le plus souvent de type varus équin, beaucoup plus rarement de type talus valgus.

2.2 Les mensurations des membres : est la seule technique qui permette d’affirmer de manière certaine le raccourcissement d’un membre.

2.2.1-Le membre supérieur : se mesure en position d’extension complète du coude, depuis l’acromion jusqu’à l’extrémité de l’apophyse cubitale.

2.2.2-Le membre inférieur : se mesure en position d’extension complète de la hanche et du genou, de l’épine iliaque antérieure et supérieure jusqu’à la malléole interne.

2.2.3-On peut également mesurer le périmètre des membres : du bras. de l’avant-bras au membre supérieur en prenant pour repère fixe l’olécrane: de la cuisse et du mollet au membre inférieur en prenant pour repère fixe la rotule.

2.3 L’étude des articulations : consiste à apprécier le degré de mobilité des articula lions et à rechercher des modifications pathologiques.

2.3.1- Le degré de mobilité des articulations : ce degré varie avec chaque articulation ; il peut être vérifié sur des tables.

Il pourra être apprécié de manière grossière chez un individu donné en faisant un examen comparatif de chaque articulation : à l’état normal la mobilité articulaire est symétrique pour chaque articulation.

 

2.3.2-Les modifications pathologiques :

— La raideur articulaire : est une limitation de la mobilité articulaire lorsqu’elle est ancienne, elle peut s’accompagner d’une amyotrophie.

L’examinateur se place du même côté que le genou malade, le membre est placé en extension et en état de relâchement musculaire; il se recherche en empaumant de la main gauche le cul-de-sac sous-quadricipital et de la main droite, le cul-de-sac inférieur, de sorte que le liquide contenu dans la cavité articulaire est mis sous tension et soulève la rotule. Avec l’index, l’examinateur appuie brusquement sur la face antérieure de la rotule.

La rotule ainsi déprimée vient heurter la surface intercondylienne. La nature de l’épanchement sera précisée par la ponction articulaire qui mettra en évidence :

  • Soit un liquide citrin : il s’agit d’une hydarthrose.
  • Soit du sang : il s’agit d’une hémarthrose qui peut être post-traumatique ou se voir chez le sujet de sexe masculin porteur d’une coagulopathie congénitale : l’hémophilie.
  • Soit du pus : il s’agit d’une arthrite purulente.
  • L’arthrite : est une inflammation de l’articulation qui est reconnue sur (augmentation de volume de l’articulation associée à des signes inflammatoires : douleur augmentation de la chaleur locale et rougeur, elle peut être unique, il s’agit d’une monoarthrite ou au contraire toucher simultanément plusieurs articulations, il s’agit alors d’une polyarthrite.

3.L’examen du rachis

Dans tous les cas, il faut examiner le rachis dans sa totalité en mettant le malade debout, puis on étudie les mouvements du rachis en position debout et en position couchée.

3.1 Examen du rachis en position debout : le malade est placé debout, les bras le long du corps; il est examiné de face (face postérieure du rachis) et de profil.

 

3.1.1-Chez le sujet normal (fig. 9-1) : on observe une légère cyphose dorsale, courbure à convexité postérieure de la région dorsale et une lordose lombaire courbure à concavité postérieure de la région lombaire. Il n’y a pas d’inclinaison latérale : un fil à plomb tendu de la 7e vertèbre cervicale (qui est la vertèbre proéminente à la base du cou) doit suivre la ligne des épineuses et tomber exactement sur la ligne du pli interfessier.

3.1.2-Les anomalies vertébrales : on peut observer plusieurs anomalies morphologiques du rachis.

  • Une disparition de la lordose lombaire normale (fig. 9-2) : qui est un signe objectif précieux accompagnant une anomalie de la colonne lombaire, il a une grande valeur en cas de lombalgie.
  • Une inclinaison latérale du tronc (fig. 10) par contraction musculaire d’un côté, il s’agit d’un signe objectif d’une atteinte de la colonne lombaire et peut donc accompagner une lombalgie et une disparition de la lordose lombaire.
  • Une cyphose ou dos rond ou dos voûté est l’exagération de la courbure à convexité postérieure que présente normalement la région dorsale (fig. 11).
  • Une scoliose (fig. 12) grâce au fil à plomb, on constate une déviation dorsale (par exemple à convexité dorsale droite) qui va être compensée par une déviation lombaire (à convexité gauche).
  • Une gibbosité (fig. 13) est une angulation du rachis qui siège an niveau du rachis dorsal; la cause la plus fréquente est le mal de Pott.

3.2Examen des mouvements du rachis

3.2.1-Sur le malade debout : la flexion en avant sera étudiée en demandant au sujet de se pencher en avant et de ramasser un objet posé à terre, devant lui.

Un sujet normal arrive à ramasser cet objet d’une main ou de l’autre, les genoux en extension et sans prendre de point d’appui et lors de ce mouvement de flexion, le rachis forme une courbe convexe régulière.

3.2.2-Sur le malade en décubitus :

— En décubitus ventral : on demande au sujet de placer ses mains derrière le dos, on lui maintient les chevilles, puis on lui demande de soulever le buste en creusant les reins, on observe ainsi le mouvement d’hyper-extension ; normalement, la région lombaire se déprime fortement. C’est dans cette position que l’on pratiquera la manœuvre de Lasègue inverse (qui est une manœuvre d’élongation de la racine L4).

En décubitus dorsal : le sujet normal présente au niveau de la région lombaire un hiatus qui normalement ne laisse pas passer la main. La manœuvre suivante doit être exécutée, on demande au sujet de croiser les bras et d’essayer de s’asseoir alors que ses chevilles sont maintenues sur le plan du lit par l’examinateur : le sujet normal parvient à s’asseoir aisément. C’est dans cette position que l’on pratiquera la manœuvre de Lasègue (qui est une manœuvre d’élongation des racines L5 et SI).

III. L’EXAMEN RADIOLOGIQUE

Est le complément essentiel de l’étude sémiologique de l’appareil locomoteur.

1.Radiographies des membres

Elles seront prises de face et de profil et toujours comparatives.

2.Radiographies du rachis

Elles seront prises de face et de profil et seront centrées sur les zones anormales précisées par l’interrogatoire et l’examen clinique. En cas de lombalgie, la radiographie du rachis sera toujours complétée par une radiographie du bassin de face afin de visualiser les articulations sacro-iliaques.

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